Séance spéciale ce mercredi au cinéma Le Meliès Saint-François avec la projection du film « Il Varco » en présence de son co-réalisateur Federico Ferrone.
Un film envoûtant
« Il Varco » est un film de guerre italien de Federico Ferrone et Michele Manzolini décrivant la traversée d’un soldat de l’armée mussolinienne en 1941 jusqu’au front russe. Il est bâti sur des extraits de films d’archives (à peine) sonorisés, agrémentés d’une superbe musique. De plus, une voix-off vient s’ajouter à ces images (parfois irréelles) exactement comme dans « Nuit et Brouillard » d’Alain Resnais (1956) ; une voix à la première personne décrivant ce voyage vers l’enfer de la guerre et le froid glacial.
Un long travail de recherche d’archives
Federico Ferrone et Michele Manzolini ont d’abord visionné pendant près de deux ans des films amateurs de l’époque fasciste de l’Italie, c’est-à-dire celle entre 1921 à 1945. Puis la découverte fortuite de bobines de films amateurs similaires de deux officiers de l’armée italienne leur ont permis d’effectuer un premier montage au bout d’un an. Les réalisateurs ont ainsi imaginé un personnage fictif à partir de journaux intimes de soldats de l’époque.
Des sauts temporels dans le passé…
La description de ce long voyage vers l’Ukraine est entrecoupée de magnifiques flashbacks. Ce sont des souvenirs (imaginaires) d’une mère russe, d’une épouse laissée en Italie et d’une précédente campagne militaire en Ethiopie, un peu comme dans « Le Miroir » d’Andreï Tarkovski (1975). Ces séquences constituent la vraie force esthétique de ce film.
Et dans le futur…
L’ajout d’images “inédites” tournées par les réalisateurs dans la région du Donbass en Ukraine a fini par s’imposer à eux comme une nécessité morale. Pour le protagoniste (celui en voix-off), c’est un saut dans le futur. Pour le spectateur, c’est un témoignage de la violence des combats dans cette région où s’affrontent forces loyalistes ukrainiennes et forces séparatistes pro-russes. Ici aussi, il y a une correspondance avec « Nuit et Brouillard » d’Alain Resnais montrant des images “actualisées” en parallèle d’images d’archives mais également avec « Andreï Roublev », un film en noir et blanc d’Andreï Tarkovski (1969) comprenant une dernière séquence en couleur parcourant la fresque produite par le moine peintre.
Un film à regarder comme on le ferait de la vitre d’un train
Andreï Tarkovski disait qu’il fallait regarder son film « Nostalghia » comme on le ferait de la vitre d’un train traversant notre existence. Federico Ferrone a donné le même type de conseil aux spectateurs avant la projection de son film « Il Varco ». Celui-ci est à l’affiche du cinéma Le Meliès jusqu’au 14 septembre. Je vous le conseille vivement.
Richard Clermont