« Blue Bayou » est un classique de la chanson américaine mais c’est aussi le nouveau film de Justin Chon sur un orphelin coréen de 30 ans dénommé Antonio LeBlanc (sic), adopté dès son plus jeune âge par une famille américaine, qui se voit pourtant menacé d’expulsion des États-Unis en raison du vide juridique lié à son statut.
Un vrai talent de réalisateur
Le film démarre par une scène en long plan fixe d’un entretien d’embauche. Comme le recruteur (jamais à l’image) est assez suspicieux, Antonio n’obtiendra pas l’emploi en raison de ses antécédents judiciaires. Le parti-pris de mise en scène consistant à éviter le champ/contrechamp dénote dès le départ du talent indéniable du réalisateur.
Au delà du film de genre
Justin Chon, également auteur du scénario, sait par ailleurs jouer sur les codes du genre, en particulier le mélodrame. En effet, l’interprétation de la chanson du film par Kathy (incarnée par Alicia Vikander), l’épouse d’Antonio, accompagnée par un vrai orchestre de bal, en est la preuve : à aucun moment, le film ne tombe dans la fadeur ; il parvient au contraire à susciter chez le spectateur de l’empathie pour ses personnages, qui sont suffisamment complexes, le tout avec une vraie volonté de réalisme et de véracité.
Proche des frères Dardenne
Par ailleurs, les plans en extérieur tournés au moment de la « golden hour » (quand le soleil est bas sur l’horizon), sont toujours à propos et de surcroît suffisamment courts pour ne pas paraître emphatiques. En réalité, nous sommes ici assez proches du cinéma des frères Dardenne. En effet, Justin Chon semble lui aussi rechercher chez l’acteur une présence réelle, sans artifice. Ce qu’il réussit à obtenir de l’actrice suédoise Alicia Vikander que nous avions pu voir précédemment dans « Ex machina » et « Danish Girl ». Justin Chon est également parvenu à gagner la confiance de la jeune Sydney Kowalske, âgée seulement de 9 ans, vraiment épatante.
Éveiller les consciences
Avec ce film, Justin Chon veut surtout éveiller les consciences sur une aberration de l’administration américaine. Il y parvient notamment avec la scène finale (vraiment déchirante) sans pour autant être démonstratif ni didactique. Un film à voir de toute urgence au Méliès Jean Jaurès et Saint François.
Par Richard Clermont