
Stethoscope on the table
Mardi matin, une situation inédite a éclaté à Bully, petite commune du Roannais, où trois gendarmes se sont rendus au cabinet médical pour remettre à une médecin une réquisition préfectorale. Cet ordre lui imposait d’assurer deux gardes médicales, dont une dès le soir-même. Cette décision, liée à des manques dans le tableau de garde du secteur, a suscité des réactions fortes et pourrait aggraver la crise médicale locale.
Une surcharge de travail insoutenable
Depuis le départ d’un second praticien en juin 2024, la médecin concernée a absorbé seule la patientèle du cabinet. Malgré le soutien de trois internes, la charge de travail est devenue écrasante. Selon Rodolphe Calandry, directeur de l’association Centre de santé du Marais, qui emploie cette médecin, « elle ne peut pas tout gérer ». Cette surcharge explique sa décision de ne plus assurer de gardes depuis début 2025, un choix annoncé à l’Agence régionale de santé (ARS), à l’Ordre des médecins et aux autres praticiens du secteur.
Pourtant, face à un tableau de garde incomplet, l’ARS a sollicité une intervention préfectorale pour pallier le manque, une procédure rarement utilisée. Cette démarche a profondément choqué la médecin, qui a été placée en arrêt-maladie et envisage désormais de cesser définitivement son activité, laissant ses 400 à 500 patients sans suivi immédiat.
Un secteur médical sous pression
La situation de Bully reflète une crise plus large qui touche le secteur de garde regroupant Saint-Just-en-Chevalet et Saint-Germain-Laval. Passé de neuf à sept médecins ces dernières années, il pourrait voir son effectif réduit à quatre médecins d’ici juillet 2025, avec le départ annoncé d’un couple de praticiens de Saint-Just-en-Chevalet. Ces médecins, qui assument un tiers des gardes du secteur, dénoncent une organisation trop lourde : « Nous finissons nos journées à plus de 22 heures, nous avons besoin de souffler », explique le docteur Jérémy Lacour.
Des disparités dans l’organisation des gardes
La gestion des gardes suscite un profond sentiment d’injustice parmi les médecins. Alors que certains secteurs, comme Noirétable, sont dispensés de garde en raison du faible nombre de praticiens, ceux de Saint-Just-en-Chevalet et Saint-Germain-Laval doivent compenser, malgré des effectifs similaires.
Les médecins avaient milité pour rattacher leur secteur à celui de Roanne, une demande rejetée. Pourtant, d’autres secteurs voisins, comme Renaison, ont obtenu cette fusion. « C’est incompréhensible », déplore un praticien, ajoutant que l’organisation actuelle décourage l’installation de nouveaux médecins dans des zones déjà en grande difficulté.
Un futur incertain pour l’accès aux soins
Avec un effectif médical potentiel de quatre médecins en juillet, l’avenir du secteur de garde est compromis. La réquisition préfectorale, loin de résoudre les tensions, a accentué les frustrations et pourrait précipiter le départ de praticiens.
Pour Rodolphe Calandry, la solution réside dans une révision des contraintes imposées par les gardes : « Elles constituent un frein majeur à l’attraction de nouveaux médecins dans des territoires déjà sous-dotés. »