La ministre a assuré que la séquence ne reflétait pas l’intégralité de ses échanges, mais l’extrait a suscité une vague de critiques, tant de l’opposition que de son propre camp, sur fond de crise humanitaire dans l’archipel.
Une polémique née d’une séquence virale
En déplacement à Mayotte lundi, deux semaines après le passage dévastateur du cyclone Chido, Élisabeth Borne a été interpellée par deux enseignants dénonçant l’absence d’aide dans les bidonvilles. Dans une vidéo diffusée par BFMTV et visionnée plus de 2,4 millions de fois sur X (ex-Twitter), les enseignants reprochent à la ministre une gestion inefficace de l’urgence humanitaire :
« Vous pouvez dire ce que vous voulez aux informations, la réalité est là », assène Yann Pagan, professeur d’EPS au collège Kaweni 2 de Mamoudzou.
Élisabeth Borne répond brièvement :
« La réalité est qu’il y a eu des distributions comme vous avez fait. »
Mais alors que les enseignants évoquent des trajets longs et impraticables pour accéder aux points de distribution, elle réagit par un simple « OK », tourne les talons et quitte la discussion.
La séquence tronquée, diffusée ne reflète pas mes échanges avec les deux enseignants au départ du collège de Kaweni.
Par ailleurs, attachée au dialogue, consciente et préoccupée par la gravité de la situation, j’ai longuement échangé hier avec les personnels de direction et les… pic.twitter.com/yVEmdSazn0
— Élisabeth BORNE (@Elisabeth_Borne) December 31, 2024
Un tollé politique et syndical
L’attitude de la ministre a été vivement critiquée. Le Snes-FSU, principal syndicat d’enseignants, a dénoncé un mépris face à une situation de crise. Dans l’opposition, Olivier Faure, secrétaire national du Parti socialiste, a déploré une « image terrible ». Même dans les rangs de la majorité, des voix se sont élevées. Un ancien ministre macroniste a confié au Parisien :
« Ce n’est pas possible de faire ça ! »
Pour éteindre l’incendie, Élisabeth Borne a réagi mardi sur X :
« La séquence tronquée diffusée ne reflète pas mes échanges avec les deux enseignants. Attachée au dialogue, consciente et préoccupée par la gravité de la situation, j’ai longuement échangé avec les personnels de direction et les syndicats enseignants. »
Elle a publié une photo d’une réunion avec les acteurs locaux pour illustrer son implication.
Un cri d’alarme des enseignants
De son côté, Yann Pagan, l’un des enseignants qui a interpellé la ministre, a dénoncé un désintérêt flagrant des autorités :
« Madame Borne n’a aucune réponse à apporter. En l’absence de réponse, elle tourne le dos, c’est bien dommage. »
L’enseignant déplore l’absence de soutien dans les bidonvilles de Mayotte, où les habitants sont livrés à eux-mêmes depuis le cyclone :
« Il y a des enfants qui, depuis 16 jours, se débrouillent par eux-mêmes. L’État ne fait absolument rien : pas d’eau, pas de nourriture, pas de soins. »
Yann Pagan fait partie d’une équipe de bénévoles qui distribue des vivres aux populations sinistrées, une tâche qu’il estime revenir à l’État.
"Personne n'est venu" dans les bidonvilles: un professeur interpelle Élisabeth Borne, en visite à Mayotte pic.twitter.com/PsKvfVCSuv
— BFMTV (@BFMTV) December 30, 2024
La réponse gouvernementale : « Mayotte Debout »
Depuis Mayotte, le Premier ministre François Bayrou a présenté le plan « Mayotte Debout » pour répondre aux urgences :
• Intervention de l’armée pour rétablir le réseau d’eau potable, réparer les routes et reconstruire les infrastructures.
• Adaptation de la rentrée scolaire, initialement prévue au 13 janvier, en fonction des dégâts subis par chaque établissement.
Le cyclone Chido, qui a frappé l’île le 14 décembre, a causé des dégâts humains et matériels considérables. Selon le dernier bilan, 39 mortset 5 600 blessés ont été recensés, mais François Bayrou a reconnu que le bilan pourrait être bien plus lourd.
💬"Madame Borne n'a aucune réponse à apporter"
Yann Pagan, professeur à Mamoudzou, revient sur son échange avec Élisabeth Borne au sujet de l'aide alimentaire et la distribution d'eau potable dans les bidonvilles pic.twitter.com/zVbBx4QNex
— BFMTV (@BFMTV) December 30, 2024
Un début de mandat sous tension
Nommée à l’Éducation depuis seulement une semaine, Élisabeth Borne se retrouve déjà sous les projecteurs, prise entre une urgence humanitaire et une polémique politique. Cette séquence, largement partagée sur les réseaux sociaux, pourrait marquer un début de mandat compliqué pour celle qui a déjà été Première ministre. Reste à voir si les mesures annoncées permettront de calmer les tensions et d’apporter une aide concrète à une île encore sous le choc.