
Des librairies indépendantes en difficulté
Pour Alexandra Charroin-Spangenberg, directrice de la Librairie de Paris à Saint-Étienne, l’arrivée de Cultura à Villars n’est pas qu’un simple défi commercial. Elle y voit une menace qui pourrait affaiblir encore plus un secteur déjà fragilisé par la crise sanitaire et les mutations des habitudes de consommation. « Voir débarquer Cultura ici, c’est l’assurance de voir notre chiffre d’affaires chuter », affirme-t-elle, en dénonçant l’impact de l’ouverture d’un tel mastodonte sur les commerces de proximité. D’autres libraires de la région partagent ce sentiment d’inquiétude. Des établissements emblématiques comme la librairie Lavigne à Montbrison, Nos madeleines de Proust à Saint-Just-Saint-Rambert, Bleu comme une orange à La Talaudière, Plaisance à Saint-Chamond, ainsi que plusieurs librairies stéphanoises (Croquelinottes, Forum, Quartier Latin et Decitre à Centre-Deux) craignent une érosion de leur clientèle au profit de cette grande enseigne.
Si les librairies indépendantes espèrent des mesures de soutien politique, leur principal espoir repose sur la fidélité de leurs clients. « Comme après la crise du Covid, les gens doivent se souvenir de l’importance de soutenir les commerces de proximité qu’ils apprécient. Nous voyons des clients heureux de venir nous rendre visite, et c’est là que réside notre espoir », souligne Alexandra Charroin-Spangenberg.
Une aubaine pour Villars et l’emploi local
Du côté de la mairie de Villars, l’enthousiasme est palpable. Le maire, Jordan Da Silva, se félicite de cet investissement de 14 millions d’euros, destiné à rénover la friche commerciale laissée par Alinéa. Selon lui, l’installation de Cultura est une bonne nouvelle pour l’emploi local, avec la création d’une centaine de postes.
Interrogé sur France Bleu, Jordan Da Silva a exprimé sa satisfaction en soulignant que le véritable combat devait être mené contre les plateformes de vente en ligne, qui selon lui, « n’investissent pas sur nos territoires et ne créent pas d’emplois pérennes ». Contrairement à Cultura, ces géants du e-commerce sont perçus comme une menace plus globale pour le tissu économique local.
Un choc de modèles économiques
Cette opposition entre grande distribution culturelle et commerce indépendant reflète un choc plus profond entre deux modèles économiques. D’un côté, des enseignes comme Cultura, qui proposent une large offre de produits, de la librairie aux loisirs créatifs, tout en bénéficiant d’une structure de grande ampleur. De l’autre, des libraires indépendants, ancrés dans la vie locale et misant sur la proximité, le conseil personnalisé et une offre souvent plus ciblée.
À Villars, l’arrivée de Cultura va sans doute redessiner les équilibres commerciaux dans la région stéphanoise. Reste à savoir si les librairies indépendantes réussiront à résister à cette nouvelle concurrence ou si, comme elles le redoutent, l’ouverture de cette grande surface culturelle marquera un nouveau coup dur pour leur survie.