Les derniers ajustements de son discours ont été effectués alors qu’il se trouvait à bord de l’A330 présidentiel, en route vers Washington pour le sommet de l’Otan ce mercredi. Après trois jours de silence, sans aucune réaction publique depuis le second tour des élections législatives, Emmanuel Macron a enfin pris la parole pour tirer les enseignements de ce scrutin exceptionnel. Il s’est exprimé dans une lettre adressée aux Français, publiée quelques heures plus tard sur notre site et ceux de la presse quotidienne régionale. Son message est clair : malgré la pression du Nouveau Front populaire pour qu’il remplace Gabriel Attal par un de leurs membres à Matignon, Macron insiste sur le fait que le futur Premier ministre proviendra d’une majorité « nécessairement plurielle ». Le bras de fer continue et il ne compte pas rester en retrait.
En déplacement à l’étranger pour 48 heures, le président de la République veut montrer, à travers cette lettre, qu’il croit toujours en la possibilité de créer un bloc central à l’Assemblée nationale, rassemblant des députés du bloc Ensemble, des LR, des divers gauche et peut-être même des socialistes et des écologistes. « Une volonté de reprendre les rênes », explique un collaborateur. Un défi de taille.
Réponse aux critiques du RN et de la LFI
Pour Macron, le principal message des Français est que « personne n’a remporté » les élections. Il souligne qu’aucune force politique n’a obtenu seule une majorité suffisante et que les coalitions issues de ce scrutin sont toutes minoritaires. Il rappelle aux Insoumis qu’ils n’ont pas gagné. Il écrit : « Seules les forces républicaines représentent une majorité absolue. Ces élections, marquées par une demande claire de changement et de partage du pouvoir, obligent à bâtir un large rassemblement ». Dans son discours, Macron exclut le Rassemblement national et la France insoumise des « forces républicaines » et appelle à concrétiser le front républicain par des actions.
Pour concrétiser cela, Emmanuel Macron, qui se qualifiait autrefois de « maître des horloges », a besoin de temps. Quelques jours de plus, peut-être, pour que les discussions, difficiles à ce stade, aboutissent à ce plan, que certains cadres de Renaissance voient comme une « fuite en avant » après l’échec de la dissolution et la perte de 80 députés. « Il devait prendre une initiative et ne pas laisser le champ médiatique au NFP pendant son absence de 48 heures de Paris », explique un de ses lieutenants. « Le président de la République est garant de nos institutions et de leur respect. Son expression pose le cadre et rappelle que former une alliance programmatique ou une coalition demande du temps », souligne la députée Aurore Bergé.
Conditions et échéances
Macron rappelle également ses conditions : « Bâtir une majorité solide » autour d’un « projet pragmatique et solide », avec « toutes les forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’État de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française ».
Le format de la lettre aux Français, décidé mardi soir, est le même que celui du 23 juin, une semaine avant le premier tour, lorsqu’il était revenu sur sa décision de dissoudre l’Assemblée. « Cela lui permet d’exprimer sa pensée dans un format de proximité et apaisé », explique l’Élysée. Il rappelle surtout, malgré ses adversaires, qu’il détient le pouvoir de nommer le Premier ministre et qu’il décidera « à la lumière des principes » énoncés plus haut.
Le palais présidentiel s’est fixé une première échéance, le 18 juillet, jour de l’élection du président de l’Assemblée, qui déterminera le nouveau rapport de force dans l’hémicycle. En espérant que les négociations en cours aboutiront à la constitution d’un bloc central et à l’élection d’un de ses députés au Perchoir. Si le NFP y parvenait, quelle serait la réaction de Macron ? « On verra », répond laconiquement un de ses conseillers, conscient que les marges de manœuvre seront alors beaucoup plus étroites pour Macron et pour la suite de son mandat.