
Cette passation de pouvoir, organisée devant la presse locale, a donné lieu à un bilan sans concession de la part du président sortant, qui n’a pas épargné ce qu’il considère comme une gouvernance économique au bord du gouffre de l’intercommunalité stéphanoise.
L’ancien dirigeant de l’organisation patronale, qui représente 1500 entreprises et 42000 salariés ligériens à travers sept branches professionnelles, identifie trois dossiers majeurs de son mandat : la fusion entre les Medef du nord et du sud Loire, l’abandon du projet autoroutier A45, et la création du Collectif économique de la Loire en 2019.
Une organisation qui revendique son poids économique territorial
Philippe Rascle, ex-président de l’UIMM Loire, hérite d’une structure qui se défend d’être un club d’entrepreneurs riche pour se présenter comme la première organisation interprofessionnelle du territoire. Cette légitimité revendiquée s’appuie sur une représentativité majoritairement composée de TPE et PME de moins de cinquante salariés, loin de l’image élitiste souvent associée au patronat.
Le Medef justifie son ambition d’influence sur les politiques publiques locales par sa contribution fiscale. Les entreprises contribuent aux deux tiers de la taxe mobilité à Saint-Étienne Métropole, il serait logique que l’on nous écoute, argue Benoît Fabre, déplorant l’absence de dialogue constructif avec l’intercommunalité stéphanoise.
Des relations contrastées selon les territoires
Cette critique acerbe contraste singulièrement avec les rapports entretenus avec les autres intercommunalités ligériennes. Roannais Agglomération et Loire Forez bénéficient d’appréciations nettement plus favorables de la part de l’organisation patronale, qui n’hésite pas à souligner cette différence de traitement.
« D’emblée, en 2014, les contacts ont été difficiles et il nous a été signifié que nous étions là pour payer, point, que notre avis ne comptait pas », résume amèrement le président sortant concernant Saint-Étienne Métropole. Cette rupture initiale semble avoir hypothéqué durablement les relations entre les deux institutions.
L’absence de stratégie économique pointée du doigt
Au-delà des questions relationnelles, Benoît Fabre dénonce l’absence de stratégie économique d’ensemble au niveau métropolitain, situation qu’il qualifie de dramatique pour le sud Loire. Cette critique s’étend aux conséquences concrètes sur l’attractivité territoriale, avec des entreprises tentées par des politiques fiscales jusqu’à cinquante pour cent plus avantageuses chez les territoires voisins.
L’abandon du projet A45 par l’État a cristallisé ces tensions et poussé le Medef à créer le Collectif économique de la Loire pour faire sauter les verrous administratifs. Cette initiative inédite associe notamment la Chambre d’agriculture, marquant un rapprochement intersectoriel original autour d’enjeux communs comme l’eau et le foncier.
Le collectif a essuyé plusieurs revers, notamment sur un projet d’amélioration de la liaison routière sud Forez-Saint-Étienne élaboré par la FBTP. Le refus métropolitain, justifié par un manque de réalisme du projet, a particulièrement vexé les représentants patronaux. En revanche, l’initiative a débouché sur des succès comme Fusion 42, consortium de sous-traitants industriels du nucléaire, démontrant la capacité d’action autonome du secteur privé organisé.
Bataille de chiffres sur les investissements métropolitains
Les tensions culminent autour des promesses d’investissement de Saint-Étienne Métropole. Benoît Fabre dénonce un écart entre les annonces initiales de 1,2 milliard d’euros et la réalité qu’il estime à 500 millions. Cette déception nourrit un sentiment de défiance des entreprises qui avaient anticipé ces investissements publics comme effet de levier.
Saint-Étienne Métropole a riposté par budget interposé lors du conseil du 25 juin, Sylvie Fayolle et Nora Berroukeche détaillant 840 millions d’euros d’investissements cumulés, soit plus du double du mandat précédent. Les dépenses d’équipement sont passées de 68,9 millions en 2020 à 150,7 millions en 2024, avec un effet multiplicateur revendiqué de 2,50 euros générés pour chaque euro métropolitain investi.
Un appel au changement pour l’avenir
Cette guerre des chiffres illustre la profondeur du malentendu entre patronat et collectivité. L’appel de Benoît Fabre à une nouvelle discussion avec Saint-Étienne Métropole, dans un contexte où l’isolement politique de l’actuelle gouvernance fragilise l’attractivité du territoire.
Philippe Rascle hérite donc d’un dossier complexe où se mêlent légitimité démocratique, expertise technique et enjeux de développement économique. Sa capacité à renouer le dialogue avec les institutions locales constituera l’un des défis majeurs de son mandat naissant.