
L’annonce de la fin de l’aventure Biltoki, seulement trois ans et demi après son arrivée en grande pompe, constitue un nouveau revers pour le commerce stéphanois. Cette fermeture s’ajoute à d’autres départs emblématiques comme celui de l’enseigne Zara, fragilisant davantage l’attractivité du centre-ville.
Les commerçants du quartier entre inquiétude et espoir
Dans le secteur des Ursules, les commerçants observent la situation avec un mélange d’inquiétude et de résilience. La gérante de Moustache, glacier installé place des Ursules depuis quatre ans, constate l’accumulation des fermetures tout en voulant croire à un rebond possible. Son établissement, qui avait ouvert ses portes peu avant la réhabilitation des Halles, fait partie des commerces qui espèrent une réouverture rapide du lieu sous un nouveau concept.
À quelques pas de là, la Droguerie de la Tour, commerce bicentenaire de la place du Peuple, avait bénéficié d’un regain de fréquentation grâce aux Halles, particulièrement les samedis. Sa responsable plaide désormais pour une formule plus adaptée aux attentes et aux moyens des Stéphanois.
Un décalage entre le concept et les attentes locales
Les témoignages recueillis auprès des acteurs économiques du quartier révèlent un décalage entre le concept proposé par Biltoki et les attentes de la population locale. Le patron de La Petite Cantine, établissement du cours Victor-Hugo, évoque avec nostalgie les halles populaires d’antan, symboles de convivialité et d’authenticité stéphanoise. Bien que l’ouverture des Halles n’ait pas significativement augmenté sa clientèle, il reste attaché à l’idée d’un lieu rassembleur reflétant l’identité de la ville.
Le chef de La Maison dorée partage cette analyse, pointant une confusion dans le positionnement du lieu, entre espace marchand traditionnel et pôle de restauration. Il suggère un retour aux sources avec une implication plus forte des acteurs gastronomiques locaux et une gestion plus directe par la municipalité.
Les perspectives immobilières et commerciales
Le secteur immobilier observe la situation avec plus de distance. Un commercial de l’agence 42ᵉ Avenue rappelle que les difficultés commerciales ne sont pas propres à Saint-Étienne et souligne les améliorations apportées au quartier, notamment la rénovation de la place Waldeck-Rousseau. Cette vision rejoint celle du restaurateur de L’Escargot d’or, qui mise sur une réouverture prochaine des Halles.
Une polémique politique qui s’intensifie
La fermeture des Halles Biltoki devient inévitablement un sujet de controverse politique. Si le maire Gaël Perdriau se veut rassurant, affirmant dans un récent entretien au Progrès qu’il ne s’agit pas de « la fin des Halles » mais seulement du « départ de Biltoki », l’opposition municipale dénonce vivement la gestion de ce dossier.
Les élus écologistes estiment que le projet présentait dès l’origine des faiblesses structurelles, notamment l’absence d’une véritable stratégie en faveur des produits locaux et biologiques, ainsi qu’un aménagement insuffisant du cours Victor-Hugo.
Des propositions pour l’avenir du site
Face à cette situation, le groupe municipal Saint-Etienne Demain, présidé par Isabelle Dumestre, avance des pistes concrètes. Ils proposent notamment, en l’absence d’offre de reprise, la résiliation du bail emphytéotique avec la société Inovy pour permettre à la ville de retrouver la pleine propriété de l’équipement.
L’objectif serait de revenir au concept initial de halles municipales, avec des loyers modérés permettant aux commerçants locaux de s’installer dans un espace commercial accessible à tous les Stéphanois, indépendamment de leur pouvoir d’achat.
Un tournant pour le centre-ville stéphanois
La fermeture des Halles Biltoki marque un tournant dans la politique de revitalisation du centre-ville stéphanois. Au-delà des divergences d’analyse, tous les acteurs s’accordent sur la nécessité de maintenir un lieu vivant et attractif au cœur de Saint-Étienne.
Les prochaines semaines seront décisives pour déterminer l’avenir de ce bâtiment emblématique et, plus largement, pour définir une stratégie commerciale adaptée aux spécificités socio-économiques locales, capable de réconcilier ambition de développement et réalités du territoire.