
La tentation était grande : et si l’Etat payait au lieu de l’entreprise ? Certaines structures ne se seraient pas privées pendant le confinement. Les langues commencent à se délier et des statistiques se font jour.
Un dispositif mis en place pour éviter les faillites
Ils seraient 25% des salariés à avoir travaillé malgré leur placement en chômage partiel. Une autre étude réalisée auprès d’élus du personnel et de représentants syndicaux évoque 50 % pour les salariés placés en chômage partiel total. Un dispositif mis en place pour éviter la faillite des entreprises, mais qui a forcément donné lieu à des abus.
Le chômage partiel, abus de langage pour parler de l’activité partielle, peut être modulé grâce à un pourcentage. Il est total quand il est à 100 %. Le manque à gagner sur le salaire peut être pris en charge par l’employeur pour que le salarié continue à être payé comme en temps normal.
Des témoignages accablants
Les témoignages se multiplient de salariés ayant travaillé autant, voire plus, alors qu’ils étaient placés en activité partielle.
France Inter relate la situation vécue par Thomas, jeune cadre francilien. Par téléphone, son employeur lui demande de traiter des dossiers : pour preuve, les 270 courriels qu’il a reçus. Il a travaillé autant qu’avant, voire plus. France inter le cite « Pour moi cela reste de la fraude. Parce que je continue de faire un temps plein ! » et indique « qu[‘il] a fini par investir, à ses frais, dans une chaise de bureau confortable pour son appartement. »
BFM TV a rencontré une autre salariée qui relate les mêmes fraudes. Son témoignage est édifiant : « « C’était des demandes à droite à gauche, que ce soit le matin ou le soir, il y a même eu des jours fériés, des week-ends. Plus rien n’était respecté », se désole-t-elle. Une situation totalement illégale à laquelle elle s’est pliée pendant plus d’un mois: « Tout le monde a accepté la situation, je me voyais pas être la seule à dire, je travaille pas ». ». La même chaîne reprend le témoignage d’un représentant du personnel d’une entreprise de 80 000 personnes. Même constat : des salariés devant travailler seulement de 40 % à 60 % se voyant solliciter pour une activité totale.
Les stratégies des entreprises fraudeuses
Le filon est facile : compenser la perte de chiffre d’affaire en profitant de l’aide publique. A noter que l’employeur peut ne pas préciser la mise en place du chômage partiel aux salariés : ils vont donc continuer à travailler, de bonne foi. Puis, il y a les moyens frauduleux pour contraindre les salariés : de la pression liée à la « conscience professionnelle », à la « solidarité » à la réelle menace de licenciement. Il y a aussi ceux qui font du « chantage au salaire » : maintien du salaire à 100 % si le salarié continue à travailler, une éventuelle prime… En plus du contexte économique, le salarié est forcément placé en situation de faiblesse, mais il peut également être coupable de complicité de fraude lorsqu’il a connaissance de sa situation au regard de son entreprise.
Si elles se rendent coupables de fraude, les entreprises encourent :
- Le remboursement intégral des sommes perçues au titre du chômage partiel
- interdiction de bénéficier, pendant une durée maximale de 5 ans, d’aides publiques en matière d’emploi ou de formation professionnelle.
- 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, en application de l’article 441-6 du code pénal (utilisation d’une fausse déclaration en vue d’obtenir d’un organisme public une allocation, une prestation, un paiement ou un avantage indu)
Ces peines « s’ajoutent » aux sanctions liées au travail dissimulé (majoration des charges employeur, peine d’emprisonnement et amendes). Le salarié victime de cette fraude pourra alors agir devant le Conseil de prud’Hommes pour réclamer son salaire et une indemnisation si l’entreprise a consciemment commis une fraude.
Et enfin, cela entachera de manière irrévocable l’image de l’entreprise coupable qui aura profité d’une telle période pour réaliser un profit…