
« Délicieux » est un film français d’Eric Besnard relatant l’invention du restaurant à la fin du XVIIIe siècle par un cuisinier de la cour tombé en disgrâce pour son insoumission. Il sera aidé par son fils ainsi que par une mystérieuse femme désireuse d’apprendre l’art culinaire.
Une histoire de goût
Les films français historiques se déroulant à la fin de l’Ancien Régime ne sont pas très nombreux. Il y a eu par exemple « Que la fête commence » (1975) de Bertrand Tavernier, basé sur la débauche, la dépravation, puis « Ridicule » (1996) de Patrice Lecomte, sur les bons mots, les joutes verbales, ensuite « Les adieux à la reine » (2012) de Benoît Jacquot sur le regard désenchantée de la noblesse sur elle-même et maintenant « Délicieux », sur le goût des aliments, la gastronomie.
Un lieu presque unique de tournage
La quasi-totalité des scènes du film ont été tournées dans une grange de l’époque située dans le Cantal. Ce lieu, un relais de poste filmé en clair obscur, n’est au début qu’une ruine sombre et lugubre. Il se transforme ensuite au fil du scénario jusqu’à devenir un agréable restaurant lumineux à la clientèle variée, alors que les premiers clients semblent eux davantage sortir d’un film de John Ford tel que « La chevauchée fantastique » (1939). Ces derniers sont en effet comme des cavaliers solitaires faisant une halte dans un relais de courrier Pony Express.
Le format CinemaScope contribue d’ailleurs à accentuer cette ressemblance.
Une photographie exceptionnelle
Le chef opérateur Jean-Marie Dreujou qui avait signé l’image des films « Les Caprices d’un fleuve », « Les enfants du marais », « Deux frères » et récemment « Kaamelott – premier volet » a magnifiquement mis en lumière « Délicieux » en s’inspirant de la peinture française de l’époque (Chardin) ainsi que de celle du siècle d’or hollandais (Vermeer et Rembrandt). Des plans de coupe assez longs sont ainsi autant d’interludes ressemblant à de magnifiques natures mortes.
Un son en 3D
La qualité de la prise du son et du mixage en Dolby 7.1 offrent une troisième dimension à ces peintures vivantes et accentuent le réalisme du film. La musique de Christophe Julien quant à elle, plutôt discrète tout au long du film, est très efficace pour intensifier l’effet dramatique de la scène finale.
Un scénario et des dialogues de qualité
Le réalisateur Eric Besnard confirme ici ses talents de scénariste. De plus, ses dialogues de qualité, adaptés au public d’aujourd’hui, sont portés par des comédiens de grand talent : Isabelle Carré, admirable et très émouvante et Grégory Gadebois, tout à fait crédible dans le rôle du cuisinier.
Un film historique très actuel
Il est frappant de voir à quel point cette volonté de création d’un restaurant, au goût des aliments retrouvé et aux circuits courts privilégiés est autant d’actualité. En effet, le fait de proposer à toute la population (aussi bien les privilégiés que les pauvres) une nourriture à la fois saine et variée résonne incroyablement aujourd’hui. Un film à voir absolument !
Richard Clermont