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La culture du vide est en marche. On ne produit plus rien. On marche sur les plates bandes des génies d’antan sans en effleurer une once de génie. Comme si on était arrivé à bout de souffle de la création artistique. On fabrique des remakes de films et des suites insignifiantes pour actionner la rotative à billets.
Il n’existe plus de courants artistiques à proprement parler comme ceux des siècles précédents : l’impressionnisme, le fauvisme, le surréalisme, l’Oulipo et tant d’autres. Les véritables féministes, celles qui mouillaient leur plume, celles qui bouleversaient les codes de l’art, celles qui faisaient grincer des dents le bourgeois, George Sand, Simone de Beauvoir, Simone Weil, Sarah Bernard et consœurs n’ont pas d’héritières.
La faute à une volonté politique réfractaire et frileuse au profit d’une censure puissante qui polisse et ponce les mentalités de notre époque. Difficile d’imaginer aujourd’hui un Gainsbourg brûlant un billet de 500 sur un plateau de télévision, un Coluche faisant trembler le pouvoir, un Balavoine engagé pour défendre la jeunesse ou un Professeur Choron grivois et provocateur.
Qu’on nous rende les pulsions libertaires des hommes qui osaient. Les aphorismes d’Emil Cioran, les phrases d’Audiard et de Céline, l’insolence de Boris Vian et d’Arthur Rimbaud, la déchéance de Charles Bukowski, l’Origine du monde de Courbet, les répliques fougueuses de Jean-Pierre Marielle, toute l’œuvre cinématographique de Pasolini et les photos sensuelles d’Helmut Newton.
« Les réseaux sociaux auraient pu changer la donne, au lieu de cela, ils ont ouvert la course à l’intolérance, aux propos haineux et aux analphabètes spécialistes de tout et n’importe quoi »

On ne rit plus comme on riait avant. On ne communique plus entre nous. Les files d’attente chez le médecin, devant la boulangerie, dans le métro se succèdent sans que personne ne s’adresse la parole. Les réseaux sociaux auraient pu changer la donne, au lieu de cela, ils ont ouvert la course à l’intolérance, aux propos haineux et aux analphabètes spécialistes de tout et n’importe quoi. Chacun y donne son avis d’expert en fermant la porte à celui qui apporterait une contre-vérité. La France du pinard et de la « liberté libre » s’est fermée dans un mutisme consternant.
Avant la création n’avait pas de limite pour rassembler des personnalités diverses et riches de savoir. S’allier, travailler de concert, échanger, se retrouver dans des salons pour que l’intellect devienne exponentiel. S’enrichir de l’autre, s’inspirer du monde autour de soi et le digérer dans une chanson, un livre, une photo, un dessin, un tableau. On ne crée plus parce qu’on est seul. Pourvu qu’on ne rencontre pas l’autre, pourvu qu’on reste au chaud dans nos chaumières, qu’on ne descende pas dans la rue pour scander un slogan contre ceux qui nous musèlent. Non, vous ne rêvez pas, nous avons bien mis les pieds dans le siècle de la solitude.
Martial Mossmann