
Près de sept heures d’horloge pour traiter un ordre du jour colossal de 63 délibérations, débutées jeudi à 18 heures pour s’achever vendredi au petit matin.
Une nouvelle stratégie qui divise
Cette durée exceptionnelle découle d’un choix assumé par le maire : espacer les conseils municipaux pour passer d’un rythme mensuel à une fréquence bimestrielle. Une décision justifiée par des considérations pratiques selon l’édile roannais : « Les services de la Ville m’ont expliqué que cela demande beaucoup de travail pour préparer chaque conseil municipal. Et la plupart des élus préfèrent ne consacrer qu’une soirée tous les deux mois à cet exercice. »
Fort de son expérience parlementaire (« Lorsque j’étais député, il nous arrivait de siéger jusqu’à 5 heures du matin »), Yves Nicolin a maintenu le cap durant cette séance marathon, n’hésitant pas à ironiser face aux demandes de pause formulées par certains élus d’opposition : « On a tous chaud. On s’est préparé pour tenir jusqu’à 4 heures du matin. Il faut être en bonne santé pour être élu. »
L’opposition critique la méthode
Cette nouvelle organisation suscite néanmoins des interrogations légitimes sur l’efficacité démocratique du processus. Franck Beysson, représentant du Collectif 88%, dénonce une stratégie délibérée : « En inscrivant 63 délibérations à l’ordre du jour, c’est une façon de noyer les choses et de complexifier le travail de l’opposition, car on avait 2400 pages à lire en quelques jours pour préparer ce conseil municipal. »
L’élu d’opposition s’interroge également sur les motivations réelles de ce changement de rythme, évoquant une possible volonté de réduire l’exposition de l’opposition à l’approche des municipales de 2026. Face aux justifications du maire, il regrette un manque de transparence : « Quand on a demandé pourquoi on était passé à un conseil tous les deux mois, la seule réponse qu’on a eue du maire, c’est ‘parce que…’ C’est très méprisant. »
Des avis nuancés au sein de l’opposition
Tous les élus d’opposition ne partagent cependant pas cette analyse critique. Marie-Hélène Riamon, forte de son expérience régionale, relativise l’impact de la durée : « Ce n’est pas tant la quantité de délibérations, mais la qualité des débats qui importe. Et sur ce point, on doit noter que le maire se montre ouvert au débat et au dialogue et qu’il ne nous censure pas. »
L’élue socialiste déplace toutefois le débat sur un terrain plus personnel, exprimant ses préoccupations concernant la situation judiciaire du maire : « Le fond, c’est qu’un maire avec autant d’affaires sur les bras, ça m’inquiète. J’en veux à Yves Nicolin d’avoir abîmé un mandat d’élu. Il a reconnu publiquement avoir commis des erreurs qui étaient pourtant facilement évitables. »
Questions sur la démocratie locale
Cette expérience roannaise soulève des interrogations plus larges sur l’organisation de la démocratie municipale. Si l’optimisation administrative peut justifier une réorganisation des séances, la concentration de nombreux sujets en une seule fois risque de nuire à la qualité des échanges et à l’approfondissement des dossiers.
La fatigue accumulée au fil des heures, les conditions d’étude des dossiers par l’opposition et la capacité d’attention du public constituent autant d’éléments à prendre en compte dans l’évaluation de cette nouvelle formule. Reste à voir si cette innovation organisationnelle résistera à l’épreuve du temps et si elle inspirera d’autres collectivités.
Prochain rendez-vous le 18 septembre pour mesurer si cette formule marathon devient la norme ou reste une exception dans le paysage politique roannais.