
« Léa est morte ». Ces mots ont fracassé la vie d’une famille entière un matin de juillet 2020. Cinq longues années se sont écoulées depuis ce jour funeste, mais le procès de la mère de l’enfant, mise en examen pour le meurtre de sa fille à Rive-de-Gier, n’a toujours pas eu lieu.
Des promesses non tenues et une famille au désespoir
Dans une modeste maison des hauteurs de Rive-de-Gier, les proches de Léa nous montrent, l’amertume au cœur, une collection de courriers méticuleusement archivés. Envoyés entre fin 2024 et début 2025 au ministre de la Justice, à celui de l’Intérieur, à divers services du tribunal judiciaire de Saint-Étienne, ces appels au secours n’ont souvent généré que des réponses administratives standards, quand ils n’ont pas été simplement ignorés.
« On nous a répondu qu’il ne leur appartient pas d’intervenir sur des dossiers individuels », racontent-ils avec dégoût. Le palais de justice, interrogé par Le Progrès, annonce désormais la fin possible de l’information judiciaire « au cours de l’été ». Une énième promesse pour cette famille qui n’y croit plus.
La douleur d’une absence et l’indignation face à une libération
Le 30 juin 2020, Léa, 9 ans à peine, a été battue à mort. Sa mère, principale suspecte, a été mise en examen pour meurtre. Pour la famille paternelle, c’est une double peine : la perte irrémédiable de l’enfant et l’impression d’être oubliés par une justice aux rouages trop lents.
« Nous sommes en colère », confie le cercle familial d’une seule voix. « Cela fait cinq ans que nous attendons un procès qui n’arrive pas. Il faut que ça s’arrête. Nous sommes dégoûtés, avec le sentiment que rien ne bouge depuis des mois. »
Corinne, la grand-tante de Léa, Patricia, sa grand-mère, Damien, son oncle, et Amandine, sa marraine, énumèrent les affronts subis. Le plus insupportable : la remise en liberté de la mère accusée. « Elle est sortie de prison à l’issue du délai maximal de trois ans de détention provisoire », expliquent-ils. « Nous avons vu sur les réseaux sociaux qu’elle recommençait sa vie. On lui a donné cette chance. Pour notre part, nous avons pris perpétuité car nous avons perdu notre Léa. »
Et d’ajouter, la gorge nouée : « La douleur de la disparition de cette petite fille aimante ne s’effacera jamais. Notre famille est restée bloquée au 30 juin 2020. »
Des révélations insoutenables et un dossier complexe
C’est Damien, l’oncle de Léa, qui a découvert l’horreur le lendemain du drame. « J’ai demandé où était Léa. On m’a répondu : elle est morte. Et tout s’est écroulé. » La famille se souvient qu’on leur avait conseillé de se « fabriquer une bonne armure » avant d’affronter le contenu du dossier.
Car la mère n’est pas seulement poursuivie pour meurtre, mais aussi pour violences habituelles sur sa fille. « Les faits ne se sont pas produits sur un coup de colère, ils ont duré plusieurs mois », précise l’oncle, la voix tremblante.
Des sources proches de l’enquête évoquent même des actes de torture et de barbarie sur la fillette. Une horreur d’autant plus difficile à juger que le dossier s’est complexifié avec le décès, pendant l’instruction, du beau-père de Léa, lui-même mis en examen pour complicité.
Une mobilisation qui ne faiblit pas
Face à ce qu’ils considèrent comme une injustice flagrante, les proches n’ont cessé de se battre. Manifestation devant le palais de justice de Saint-Étienne en janvier 2023, marche blanche à Rive-de-Gier deux mois plus tard… Leur combat trouve un écho auprès du maire de la commune, Vincent Bony, qui s’est engagé à leurs côtés.
« Je respecte l’institution », assure l’élu qui a néanmoins interpellé en février dernier le palais de justice, le préfet et les parlementaires. « Mais je partage la colère des proches. Une enfant de Rive-de-Gier nous a été enlevée. Il est inacceptable que nous n’ayons pas de calendrier. »
Les avocats s’impatientent, la justice se justifie
Les avocats de la partie civile réclament la fin de l’information judiciaire, alors que les proches affirment que la justice leur avait promis « les yeux dans les yeux » de clôturer l’instruction « fin 2024 ». Une promesse non tenue.
D’après le président du tribunal judiciaire, on comprends l’impatience de la famille. Mais ce dossier a été instruit dans des conditions normales, s’agissant de faits de nature criminelle annonce ton dans l’article du Progrès. Il évoque un changement de juge d’instruction en cours de procédure et des demandes d’investigations complémentaires formulées par le parquet après un premier avis de fin d’informer.
« Des investigations sur commission rogatoire ont été relancées, le résultat est attendu sous six semaines », précise-t-il. « Des expertises complémentaires ont été ordonnées et les conclusions sont attendues d’ici la fin du mois de juin 2025. »
Le président assure que « le magistrat instructeur ne manquera pas de recevoir une nouvelle fois les parties civiles » et que, sauf élément nouveau, les avis de fin d’information « devraient intervenir au cours de l’été ».
Un horizon judiciaire trop lointain
Ces explications laissent entrevoir un procès aux assises au plus tôt en 2026, voire 2027. Une perspective intolérable pour les proches.
« Nous avons eu notre compte de promesses », rétorquent-ils. « Nous voulons que la meurtrière présumée soit jugée rapidement. Nous envisageons de nouvelles actions d’envergure pour nous faire entendre. »
Le souvenir lumineux d’une enfant adorée
Sur le tee-shirt noir de Corinne, une inscription en lettres colorées : « Tata d’amour ». Léa aurait eu 14 ans cette année.
« C’est sûr, elle aurait encore agrandi sa collection de robes de princesse », murmure sa marraine, les yeux emplis de larmes. La famille évoque la difficulté des célébrations familiales depuis le drame : « C’est compliqué. On fait beaucoup de naissances, d’anniversaires. Léa nous manque. »
Ce week-end, l’arrière-grand-mère soufflait ses quatre-vingts bougies. « Léa l’adorait plus que tout au monde », rappellent-ils avec tendresse. Et de conclure par ces mots simples mais poignants : « Et tout le monde aimait Léa. »
Pour cette famille, l’attente n’est pas seulement celle d’un procès. C’est celle d’une reconnaissance officielle de leur douleur, d’un premier pas vers un deuil qui ne pourra jamais être complet, mais qui permettrait peut-être, enfin, de commencer à avancer.
Photo libre de droit.