Que se passerait-il si vous buviez de toutes petites quantités d’alcool pendant vos heures de travail pour améliorer vos performances, comme dans le film Drunk ? Harry Sumnall, professeur en toxicologie, répond.
Dans Drunk, un groupe d’amis décident de se lancer dans une expérience : rester modérément ivres toute la journée pour voir comment cela affecte leurs performances sociales et professionnelles… Il y est avancé qu’une alcoolémie de 0,05 % rend plus créatif et plus détendu.
« Je ne me suis pas senti aussi bien depuis longtemps », déclare l’un des protagonistes au début de l’expérience. Evidemment, les choses vont dégénérer ensuite… Bientôt les participants vont augmenter les doses au point que les choses vont devenir incontrôlables. L’un d’entre eux va rapidement trop boire.
Drunk, un bon divertissement. Dans la réalité, c’est autre chose.
L’alcoolémie est influencée par de nombreux facteurs : la teneur en alcool de la boisson, la vitesse à laquelle vous buvez, votre sexe, votre indice de masse corporelle (IMC) et l’état de votre foie. Pour se tenir au fameux 0,05 %, un homme de 70 kg devrait boire une pinte de bière à 4 % ou un grand verre (250 ml) de vin.
Le corps s’efforce d’éliminer l’alcool dès qu’il en ingurgite. Par l’intermédiaire de l’haleine, de la sueur et de l’urine. Pour maintenir une concentration de 0,05 %, il faudrait une consommation régulière et mesurée tout au long de la journée. On dépasserait alors les niveaux maximums recommandés.
« De faibles doses d’alcool peuvent avoir des effets positifs »
C’est ce qu’écrit notre professeur de toxicologie. « De petites quantités peuvent accroître la sociabilité, en aidant les gens à créer et à entretenir de nouveaux liens d’amitié et des réseaux professionnels ».
Des études en laboratoire ont montré qu’à faible dose, l’augmentation de la relaxation et le sentiment de confiance en soi produits par l’alcool, peuvent conduire à résoudre des problèmes de façon plus créative et diversifiée. Mais aussi, à une amélioration des compétences en langues étrangères, à un rappel de mémoire plus précis et à une meilleure capacité à traiter certains types d’infos.
En revanche, les compétences en matière de résolution de problèmes analytiques, telles que celles requises dans la plupart des lieux de travail, souffrent à tous les niveaux de consommation.
Les mirages du microdosage, la réalité des effets nocifs
Si tout cela vous paraît tentant, rappelez-vous, avant de vous lancer dans l’expérience, qu’il s’agit d’études contrôlées, réalisées en laboratoire.
De plus, la tolérance aux effets psychologiques et physiologiques de l’alcool se développe rapidement, même à faibles doses : ce qui signifie qu’avec le temps, il vous en faudra davantage pour obtenir les mêmes effets. Une prise qui devient illégale en France : il est interdit de consommer de l’alcool sur le lieu de travail. La plupart des employeurs ont d’ailleurs une tolérance zéro à ce sujet.
Les méfaits de la consommation régulière d’alcool sont bien connus. Ils sont liés à une série de cancers, de maladies digestives et d’autres dommages sanitaires et sociaux, tant pour le buveur que pour les autres.
Il existe un débat académique de longue date sur la question de savoir si une consommation modérée d’alcool serait bonne pour la santé et protégerait contre des maladies. Une idée promue par l’industrie de l’alcool mais mise à mal par l’insuffisance de preuve. Pour la majorité des chercheurs : toute quantité est mauvaise pour la santé.
Une idée qui n’avait rien de neuf
L’amélioration personnelle par l’alcool n’est pas une idée neuve. Les Grecs de l’Antiquité ont fait la promotion du vin en tant qu’aide au débat, à la poésie et à la discussion philosophique, suggérant la limite de trois verres en laissant entendre que consommer davantage signifiait dépasser ses capacités personnelles.
De grands personnages de l’Histoire – artistes, écrivains, hommes politiques, compositeurs, scientifiques ou chefs d’entreprise – ont été des célèbres buveurs. Mais la créativité et le succès de ces personnes remarquables sont apparus malgré leur consommation d’alcool.
Pour ceux d’entre nous qui ont des talents plus modestes, on risque plutôt une gueule de bois et un porte-monnaie vide. Pas une récompense au travail.
La version originale de cet article a été publiée dans The Conversation
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