
Des faits loin d’être nouveaux mais difficiles à enrayer. Face à ces incivilités persistantes, la préfecture a pris un arrêté pour interdire la vente d’alcool après 22 heures. Pas une année ne passe sans que l’on parle de la rue Antoine-Durafour. Sans que les habitants et commerçants alertent sur sa dangerosité et les incivilités qui s’y déroulent. Sans que la ville ou la préfecture n’interdise la vente d’alcool après 22 heures. 2025 ne dérogera pas à la règle.
Ici, c’est un autre monde, s’indigne ce commerçant, nouveau dans le quartier. Il est 11 heures du matin et, pour l’instant, la rue ne bouge pas d’une oreille. « Là, c’est calme, ils dorment, mais revenez ce soir, vous verrez… Il y aura une trentaine de personnes sur le trottoir », assure-t-il « Ils traînent devant nos vitrines et entrent pour nous voler dès qu’on tourne le dos. Ils sont alcoolisés, drogués et restent jusque tard dans la nuit… on n’est pas en sécurité. »
La spirale infernale
À tour de rôle, ces trois commerçants racontent leur quotidien, fait de trafics de drogue, vols à l’arraché, bagarres… et la liste des nuisances est encore longue. « Je suis là depuis plus de vingt ans », dit l’un d’eux, désireux de rester anonyme pour éviter toutes représailles. « Et ces derniers temps, c’est de pire en pire, il y a une dégradation totale. »
Chacun y va de sa petite histoire à faire froid dans le dos. Le gérant du bar-tabac Le 2006, lui, raconte le jour où quelqu’un est entré dans son commerce « avec un couteau long comme ça », dit-il en espaçant ses mains d’une trentaine de centimètres.
Un autre commerçant explique avoir été témoin d’une bagarre dans la rue « entre deux individus armés de sabres ».
Des clients qui n’osent plus venir
« Régulièrement, des passants viennent nous voir pour se plaindre qu’un sac à main, un téléphone ou une chaîne autour du cou leur a été dérobé. Et, en fin de journée, certains clients me demandent même de les raccompagner jusqu’à leur voiture parce qu’ils ne sont pas rassurés », poursuit le patron du 2006, installé rue Antoine-Durafour depuis 2017.
Autant de méfaits qui ne font pas vraiment prospérer leurs affaires. « Les étudiants, les personnes âgées… Beaucoup d’habitants n’osent plus passer dans la rue », déplore le patron du bar-tabac.
L’impact économique désastreux
Il estime à 30 % la baisse de son chiffre d’affaires ces dernières années et ferme désormais ses portes à 23 heures, contre 1 h 30 il y a deux ans. « On ne peut pas mettre nos salariés en danger », insiste-t-il.
Dans les immeubles alentours, des panneaux « à vendre » sont accrochés aux fenêtres. « Énormément d’habitants sont partis, ils bradent leur logement et vont vivre ailleurs », poursuit le gérant, lui-même propriétaire d’un appartement dans la rue Durafour.
« Les gens viennent visiter en journée donc ils ne voient pas tout ce bazar. Ils louent, puis finissent par déménager deux mois plus tard. » Selon les commerçants, de nombreux immeubles seraient également squattés.
L’appel avant la catastrophe
Révoltés par la dangerosité de leur rue, ils tirent, une énième fois, la sonnette d’alarme. « On est à deux pas d’une école, du cours Fauriel, du centre-ville… Comment peut-on être en insécurité comme ça ? On prévient avant qu’il y ait un drame », s’obstinent-ils.
Pour eux, il n’y a pas de « solution miracle », il faut « plus de présence policière » et que « les lois soient respectées ».
Des mesures qui peinent à convaincre
Depuis des années, mairie et préfecture tentent de calmer le jeu avec des arrêtés interdisant aux épiceries de nuit de vendre de l’alcool après 22 heures. « Celles qui ne s’y plient pas risquent une fermeture administrative… je n’en ai jamais vu une seule fermée », déplore le gérant du 2006, qui estime que ces commerces qui restent ouverts tard dans la nuit se sont multipliés ces dernières années.
La réponse des autorités
Le 21 avril, un nouvel arrêté préfectoral est entré en vigueur et interdit la vente d’alcool à emporter à partir de 22 heures, dans tout le département. Une réponse aux « incivilités persistantes qui affectent la tranquillité de la rue Antoine-Durafour à Saint-Étienne », indiquent les services de la préfecture.
Ce nouvel arrêté « vise à limiter les nuisances nocturnes et les comportements délictueux souvent associés à la consommation excessive d’alcool. Des contrôles ont d’ores et déjà été effectués dans la rue Antoine-Durafour pour s’assurer du respect de cet arrêté, et ces opérations se poursuivront dans les semaines à venir », annonce la préfecture.
« Le bilan des cinq dernières années témoigne de la fermeté de cette action, avec la fermeture administrative de huit établissements situés dans cette rue, signalant des manquements graves aux réglementations en vigueur. »