Après quatre mois de débats, un verdict lourd de sens a été rendu : les 51 accusés ont été reconnus coupables. Pourtant, les peines prononcées, allant de trois ans avec sursis à vingt ans de réclusion, ont suscité des réactions contrastées, oscillant entre soulagement, frustration et colère.
Dominique Pelicot, « l’architecte » du drame, condamné à 20 ans
Parmi les accusés, Dominique Pelicot, qualifié de « manipulateur » et « metteur en scène » par la cour, a écopé de la peine maximale, soit 20 ans de réclusion criminelle. Il était jugé pour avoir drogué son épouse, Gisèle Pelicot, et l’avoir livrée à des dizaines d’hommes recrutés sur Internet. Ces derniers se rendaient à Mazan, dans le Vaucluse, pour commettre des actes abominables, souvent sans que la victime ne puisse se défendre ni même en être consciente.
Les autres accusés ont reçu des peines plus légères que les réquisitions du ministère public, qui réclamait un minimum de dix ans pour chacun. Les condamnations, comprises pour la plupart entre huit et quinze ans, ont déçu les parties civiles et une partie du public.
Un verdict entre apaisement et incompréhension
Le président de la cour, Roger Arata, a balayé les arguments de la défense évoquant une « absence d’intention » de nombreux accusés, affirmant que chacun d’eux disposait de son libre arbitre. Pourtant, les avocats de plusieurs prévenus ont dénoncé une échelle des peines qu’ils jugent incohérente. Certains estiment que la cour a tenté d’adopter une approche pragmatique en individualisant les condamnations et en réduisant les sanctions, dans l’espoir de limiter les appels.
« C’est un verdict d’apaisement », a salué Me Louis-Alain Lemaire, avocat de plusieurs accusés. « La cour n’a pas suivi aveuglément les réquisitions du parquet et a cherché à prendre en compte la personnalité des prévenus et leur évolution. » Mais pour d’autres, comme Me Roland Marmillot, ce verdict reste entaché d’une forme de complicité indirecte : « Dominique Pelicot a réussi son ultime manipulation. Il a entraîné ces 50 hommes dans son crime, et la cour l’a confirmé. »
Les parties civiles entre dignité et désillusion
Dans la salle, l’énoncé des peines a été vécu avec une intense émotion. Gisèle Pelicot, victime centrale de cette affaire, est restée stoïque, fixant chaque accusé d’un regard impassible. Ses enfants, eux, ont exprimé leur déception en secouant la tête à l’écoute de certaines peines jugées trop légères.
En parallèle, la douleur était palpable chez les proches des accusés. Dans une salle de retransmission adjacente, des femmes — mères, compagnes ou sœurs — ont éclaté en sanglots à l’annonce des peines. Certaines, accablées, ont quitté les lieux en proie à une détresse manifeste.
Un procès au retentissement mondial
Le procès, suivi par 350 journalistes venus du monde entier, a mis en lumière l’ampleur du dossier et la complexité des enjeux. Les chiffres parlent d’eux-mêmes :
• 51 condamnations ont été prononcées, dont deux requalifications.
• Les peines s’échelonnent de trois ans avec sursis à vingt ans de réclusion.
• Parmi les 32 accusés comparaissant libres, 23 ont été placés en détention immédiate.
• Six prévenus ressortent libres, certains ayant déjà purgé leur peine en détention provisoire.
Un « modèle criminel » inédit
Ce procès aura marqué par l’atrocité des faits et la singularité du dispositif mis en place par Dominique Pelicot, décrit comme l’architecte d’un système froid et méthodique. « La cour a reconnu sa manipulation, mais cela ne dédouane pas les autres accusés », a déclaré un avocat des parties civiles.
Et après ?
Si une dizaine de condamnés ont déjà annoncé leur intention de faire appel, beaucoup hésitent. En cas d’appel, l’affaire serait portée devant une cour d’assises avec des jurés populaires, une perspective redoutée par les avocats de la défense.
Pour les victimes, le combat n’est pas terminé. Gisèle Pelicot et ses proches espèrent que les conclusions de ce procès, bien qu’imparfaites à leurs yeux, serviront de signal fort dans la lutte contre les violences sexuelles.