
C’était un dossier particulièrement attendu qui cristallisait les tensions depuis plusieurs mois. Le projet de reconversion de l’ancienne friche Alinéa à Villars, fermée depuis 2020, vient de connaître un coup d’arrêt. La Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) de la Loire a rendu un avis défavorable ce mardi concernant l’implantation de trois enseignes nationales : Cultura, Intersport et Blackstore.
Un vote serré reflétant les divisions locales
La décision a été particulièrement serrée : sur les neuf membres composant la commission, quatre ont voté en faveur du projet, quatre s’y sont opposés, et un membre s’est abstenu. Selon les règles de fonctionnement de la CDAC, une abstention équivaut à un refus, ce qui a fait basculer la balance vers le rejet du projet.
La commission comprenait notamment Jordan Da Silva, maire de Villars et fervent défenseur du projet, mais également Marc Chassaubéné, représentant Gaël Perdriau, président en retrait de Saint-Étienne Métropole, ainsi que Pascale Lacour, déléguée des maires du département. Ces deux derniers s’étaient positionnés contre l’arrivée de ces enseignes, notamment Cultura.
Un projet qui divisait profondément le territoire
Ce résultat illustre la profonde division qui existait autour de ce projet commercial. D’un côté, la municipalité de Villars voyait dans cette implantation une opportunité de réhabiliter une friche commerciale existante et de créer des emplois sur le territoire. « Cette décision n’est pas dans l’intérêt du territoire », a déclaré Jordan Da Silva suite à l’annonce du verdict.
De l’autre côté, les libraires indépendants de Saint-Étienne et des communes environnantes, soutenus par le maire stéphanois Gaël Perdriau, craignaient une concurrence déloyale de l’enseigne Cultura, spécialisée dans les livres et les loisirs créatifs.
« Nous avons été entendus dans nos arguments de lutte contre la désertification du centre-ville et de défense du réseau de librairies indépendantes du département », s’est réjouie Alexandra Charroin-Spangenberg, présidente du Syndicat de la librairie française, qui qualifie néanmoins cette victoire de « première étape ».
Pourquoi la CDAC devait-elle se prononcer ?
L’intervention de la CDAC s’expliquait par la nature même du projet. Comme l’ancien magasin Alinéa est fermé depuis plus de trois ans, l’installation de nouvelles enseignes est considérée comme une création de commerces et non comme une simple succession. La commission examine systématiquement les projets de création ou d’extension de surfaces commerciales dépassant les 1 000 m².
Un recours national en perspective
Malgré ce revers, le dossier n’est pas définitivement clos. Le maire de Villars a indiqué avoir déjà échangé avec les porteurs du projet qui lui ont confirmé leur intention de faire appel de cette décision devant la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC).
« Les investisseurs restent très motivés et m’ont indiqué qu’ils allaient formuler un appel devant la Commission nationale », a précisé Jordan Da Silva, qui affirme rester « pleinement mobilisé » pour soutenir cette implantation.
Cette procédure d’appel pourrait relancer le projet dans les prochains mois, la CNAC ayant le pouvoir de renverser la décision départementale. Entre les enjeux de revitalisation commerciale et la protection du commerce de proximité, ce dossier illustre parfaitement les dilemmes auxquels sont confrontés les territoires en matière d’aménagement commercial.
Des précédents mitigés dans la région
Ce n’est pas la première fois qu’un projet d’implantation commercial d’envergure divise dans la région stéphanoise. Ces dernières années, plusieurs dossiers similaires ont suscité des controverses, avec des résultats variables devant les commissions d’aménagement.
La décision finale de la CNAC sera donc particulièrement scrutée par l’ensemble des acteurs économiques locaux, dans un contexte où l’équilibre entre grandes enseignes et commerces indépendants reste un sujet sensible pour de nombreuses villes moyennes françaises confrontées à la désertification de leurs centres-villes.
Photo fourni par Cultura.
Arnaud Bat