On est en plein mois de juillet et on se prépare aux vacances d’été, à aller s’entasser sur un petit carré de plage au milieu d’une mer agitée, pleine d’algues et de bouteilles en plastique, à marcher sur les mégots de cigarettes dans le sable brûlant… Ah le sud ! Quand je pense à ceux qui y vivent toute l’année et qui ne se baignent jamais, à quoi ça sert d’y habiter dans ce cas ?
Ça fait une semaine que ta Twingo est chargée à bloc entre les raquettes de plage, les boules de pétanque, la glacière, les tongs, le parasol… Du coup comme il n’y avait plus de place tu as demandé aux gamins d’enfiler tous leurs vêtements de la semaine, ils ont dix couches sur eux et ils chouinent parce qu’ils ont trop chaud.
Tu es dans les embouteillages sous 40 degrés, tu n’es même pas encore arrivé que tu ressembles à une escalope milanaise avec les traces de lunettes de soleil. Par contre, dès que tu arrives dans le sud, là il pleut pendant quatre jours au moins.
À l’entrée du camping, on enregistre ton véhicule et c’est tout juste si on ne te confond pas avec Xavier Dupont de Ligonnès. On te présente le forfait semaine qui coûte un bras.
– Quoi ? 140 euros la nuit ???
– Oui, mais la WiFi est gratuite Monsieur !
–On dit LE WiFi en plus !
Tu as droit à un porte clé lumineux en guise de bienvenue et tu as surtout le droit de fermer ta bouche. Le soir venu, les gamins te tannent pour aller au Luna Park. Allez c’est les vacances, il faut leur bien faire plaisir même si tu as roulé non-stop pendant huit heures, tu retiendras ça un jour sur leur argent de poche.
Dès que tu arrives au milieu des manèges, rien qu’en levant la tête en l’air tu as envie vomir tes tripes en voyant le grand huit faire des loopings. Tes fils, Tom et Théo se régalent avec une glace trois boules même s’il y a plus de glaces sur leurs joues que dans le cornet.
Le plus folklorique c’est celui qui anime les manèges derrière son micro : « Ézébaaaaartiiiii on essaye d’attraper le ponpon pour tenter de remporter un tour gratuiiiiiit ! Allez les enfants ézébaaaaartiiiii… ah on y était presque ! Si vous passez par la buvette à côté de la rivière canadienne, faites un sourire à Patricia et elle vous offrira peut-être un Smoothiiiiiiiie !« .
Quand tu sors de tout ce boucan pour récupérer ta voiture au parking, ta femme s’étonne :
Ah tu as fait repeindre la voiture en blanc chéri ?
Non, ça c’est les mouettes qui se sont soulagées sur la carrosserie.
Le lendemain, ce n’est pas la même limonade. Tu crois pouvoir t’octroyer une grasse matinée et dès 8h du matin tu es réveillée par une voiture avec un haut-parleur qui grésille un truc du genre : « Ce soir dans les arènes de ce campiiiiiing, Taureau pisciiiiiiine avé les vaches camargaises et les deux petits veaux Toto !« .
Tu essayes de sortir de la tante en te pliant en quatre pour vite aller aux sanitaires à cause d’une envie pressante, mais tu trébuches dans la digue, les pieds semi-enfoncés dans la boue à cause de l’orage de cette nuit. Ta femme râle parce que selon elle tu fais un boucan pas possible et que tu vas réveiller les gamins. Sauf que tu ouvres leur toile de tente pour voir s’ils dorment profondément et tu te rends compte qu’ils ne sont plus là.
Tu lances un appel à travers tout le camping pour savoir si on n’a pas vu passer deux petites têtes blondes avec une casquette rouge et l’autre verte. Tout ça pour que la police te les ramène l’après-midi après les avoir repérés sur la plage alors qu’ils tentaient de voler un cerf-volant à un aveugle. Sur le chemin du retour, de nouveau dans les bouchons, tu t’adresses à ta femme avec ces mots-là :
Tu en as pensé quoi de ces vacances à la mer chérie ?
« Encore une de tes idées à la con ! L’année prochaine on part quinze jours à Angoulême chez mon oncle et ma tante, Sylvain et Martine et ça fera aussi bien ! »
Martial Mossmann