L’auteur d’«Aline» et des «Mots bleus» est mort jeudi, à 74 ans. Sa carrière de «beau bizarre» décadentiste et obsessionnel égrène tubes rutilants et chansons hantées le hissant, entre Gainsbourg et Bashung, au sommet du panthéon pop français.
Nous n’irons plus la nuit boulevard du Montparnasse. Nous ne sourirons plus en voyant la pancarte à sa porte « Nid d’amour. Ne pas déranger ». Il ne nous ouvrira plus son appartement-studio encombré d’instruments, d’ordinateurs et de juke-box, pour parler jusqu’à l’aube de la beauté de la musique, du cinéma, des femmes et de Tanger… Christophe est décédé jeudi 16 avril, à l’âge de 74 ans, à Brest (Finistère). Daniel Bevilacqua, de son vrai nom, a été emporté par « un emphysème », maladie pulmonaire, a indiqué à l’AFP Véronique Bevilacqua, son épouse.
Le chanteur avait été hospitalisé à Paris pour insuffisance respiratoire le 26 mars avant d’être transféré, deux semaines plus tard, à Brest. Il restera une des gloires de yéyés
Le Parisien écrit : « Tout était singulier chez lui. Sa vie à contre-jour, sa voix douce et cristalline et son débit si rapide qu’on ne le comprenait pas toujours, son corps drôlement fagoté, sa royale simplicité… Malgré cela, il parlait peu de sa vie privée, de sa femme Véronique, avec qui il s’est marié en 1971 et a eu une fille, Lucie. Encore moins du fils né de sa liaison avec Michèle Torr. Il a toujours réussi à se livrer tout en gardant son mystère« .
Cet amoureux du blues fait ses gammes au début des années 1960 en tant que vocaliste de Danny Baby et les Hooligans. En préférant aux adaptations en français de standards rock, lot de l’école « Salut les copains », le « yaourt », ce faux anglais qui sacrifie le sens à la sonorité et qu’il n’hésitera pas à graver dans le single Voix sans issue, en 1984. Puis le blondinet débutant publie, en 1964, Reviens Sophie, un blues électrique qui passe inaperçu.
A l’inverse, à l’été 1965, de sa deuxième tentative, un slow de plage sur la mort d’un amour que l’arrangeur Jacques Denjean dramatise de chœurs féminins et de cordes lacrymales. Numéro un en France (mais pas seulement) avec un demi-million d’exemplaires écoulés, Aline entre en concurrence frontale avec Capri, c’est fini qu’Hervé Vilard a proposé peu auparavant sur le même sujet, également avec le renfort de Denjean. Un long procès pour plagiat suivra avec un rival malheureux, Jacky Moulière, dont La Romance de 1963 est effectivement très proche, sachant que les progressions d’accords des slows de l’époque ne brillent pas par leur originalité. Christophe gagnera en appel en 1977 et en profitera deux ans plus tard pour relancer son tube sur le marché en trônant à nouveau au sommet du hit-parade.
La nouvelle idole des jeunes confirme avec Les Marionnettes, son deuxième numéro un, avant que la voix colérique et les violons nerveux d’Excusez-moi, monsieur le Professeur, en 1966, n’indiquent déjà un changement d’attitude. « Si je me tiens debout/Tout au fond de la classe/C’est parce que je n’aime pas/Faire les choses à moitié », s’emporte-t-il. Cette même année, il pose, au côté de Richard Anthony, sur la fameuse « photo du siècle » rassemblant les « Copains » prise par Jean-Marie Périer. Lui, pourtant, ne sera pas un yé-yé de plus, de ceux qui rallieront quatre décennies plus tard la tournée de vedettes déchues « Age tendre et tête de bois ».
Au moment où la jeunesse française commence à préférer les originaux anglo-saxons aux piètres copies françaises, il profite de sa soudaine notoriété pour s’offrir les bolides de ses rêves, flamber en fantasmant sur le destin de James Dean (vivre vite, mourir jeune) et prendre la tangente. Son étoile pâlit, de reprises en italien de ses récents succès en 45-tours vite oubliés. Dans J’ai entendu la mer, il revient sur les lieux du crime d’Aline : « Châteaux de sable sont écroulés/La plage est sale d’amours fanées ».
Fin avril, Christophe devait se produire à Paris, au Grand Rex. Deux concerts reportés à la rentrée en raison des règles de confinement. Oiseau de nuit, il avait tâté tant de terrains expérimentaux et, ces dernières années, revisité ses grands succès.