
En anglais, « nudge », en français, « coup de pouce ». Le nudge a pris de la place depuis les travaux de Richard H. Thaler, Prix Nobel d’Economie en 2007. Une technique issue de l’économie comportementale qui sert en santé publique.
Le cas des feux piétons…

Utilisés depuis longtemps dans l’économie, les nudges sont désormais la nouvelle arme des pouvoirs publics, originellement dans l’environnement et maintenant pour la santé publique. Il s’agit d’une petite influence ou intervention qui va modifier le comportement d’un individu dans ses choix.
Un exemple proche des nudges : « Piétons, appuyez ici ». Peu de Stéphanois les utilisent. Ils seraient utilisés pour nous faire que l’on a un super pouvoir : influencer la circulation dans la Préfecture de la Loire et nous aider à patienter. L’explication n’est pas si lointaine que ça : ils auraient une réelle utilité la nuit ou sur une route que peu de piétons traversent. Il est quand même inscrit dans la loi que, sauf cas particulier, un usager ne peut patienter plus de 120 secondes.
Une influence plus qu’une obligation
Mais dans d’autres cas, des techniques non coercitives sont mises en place pour nous « corriger ». Comment cela fonctionne ? L’individu est influencé par son environnement. Si, au début de l’économie, on considérait que chacun prenait ses choix selon sa propre conscience, les modèles économiques récents démontrent que nos choix sont biaisés. En d’autres termes, le nudge va modifier l’environnement du décideur pour qu’ils prennent la bonne décision.
Exemple concret : l’aéroport d’Amsterdam a mis en place un sticker de mouche dans un urinoir. Le but ? Viser la mouche et éviter les jets en dehors. Le résultat ? 80 % de dépenses de nettoyage en moins. La conclusion ? Plus efficace qu’un panneau « merci de garder les toilettes propres », qu’une obligation ou une interdiction.
L’idée est de suggérer, sans obliger. Le nudge est aussi utilisée pour réduire nos consommations d’énergie ou de recycler. Des poubelles plus visibles pour la SNCF, des bornes avec deux trous pour jeter son mégot. Un trou pour voter : qui est le meilleur footballeur du monde ? Christiano Ronaldo ou Lionel Messi ?
Le jeu ou le conformisme
Le nudge passe donc par la ludification, mais aussi par la volonté d’être dans les normes sociales. Citons l’application EDF & Moi, qui, grâce au compteur Linky, permet de déterminer où vous vous situez dans votre consommation d’énergie : l’objectif étant de faire partie des moins énergivores et donc d’être écolo. Mettre une affiche « 93 % des personnes se disent sensibles à l’environnement » est bien plus efficace qu’une affiche « éteignez la lumière en sortant des toilettes ». Si en sortant, l’individu n’éteint pas la lumière, cela le placerait en pleine dissonance cognitive, c’est-à-dire une tension qu’une personne ressent lorsqu’un de ses comportements entre en contradiction avec ses valeurs et ses croyances. Et les êtres humains n’aiment pas.

Le nudge contre le coronavirus
Avec la crise sanitaire, les pouvoirs publics ont aussi saisi les nudges. Les petites bandes ou les pastilles permettent de respecter la distanciation physique. Rien d’obligatoire, mais il faut se conformer à la norme sociale, donc on respecte ses distances. Les lignes ne sont pas que des indicateurs de distance qu’on aurait du mal à s’imaginer.
Se laver les mains est là aussi une arme contre la Covid. Personne ne peut vous y obliger, mais on peut vous y inciter. Une entreprise l’a compris en mettant en place un distributeur de gel sanitaire : en l’utilisant, vous reversez un centime à une association. Un petit « plus » pour inciter. Mais tous les gestes fonctionnent sur ce principe du nudge et d’être dans la « norme sociale » : les gestes barrières sont observés, non pas par obligation, par égoïsme, mais par souci des autres et de la société.
Au Royaume-Uni, cette théorie avait été utilisée dans le cadre du don d’organes. Le site internet anglais qui propose l’enregistrement d’un don indiquait « Chaque jour, des milliers de gens qui voient cette page décident de s’enregistrer ». Le taux d’accord est passé de 2,3 % à 3,2%.
Des dérives du nudge
Les entreprises privées poursuivent des buts moins louables : les « likes » des réseaux sociaux sont aussi des nudges. Plus vous avez des « likes », plus vous voulez poster. Idem pour les flammes de Snap de nos ados.
Mais, cette théorie montre des limites : le jour où l’on s’habitue aux nudges. Ils deviennent alors totalement inefficaces. Des astuces « connues comme le loup blanc », comme le fait de mettre les produits que l’on a envie de vendre à hauteur des yeux des consommateurs.