
Une sanction historique pour un ancien président de la République, qui devra purger la partie ferme de sa peine sous bracelet électronique. Ce verdict marque un tournant à moins de trois semaines de son procès dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007.
Une décision inédite : un ex-président sous bracelet
Nicolas Sarkozy ne passera pas par la case prison, mais sa liberté sera désormais restreinte. La Cour de cassation a validé mercredi la condamnation en appel prononcée en mai 2023 par la cour d’appel de Paris, qui prévoyait une peine aménagée sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE). Le dispositif, un bracelet électronique relié à un système de géolocalisation, sera installé dans les prochains mois par le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP).
Un juge d’application des peines (JAP) fixera bientôt les modalités de cette mesure : adresse de détention, plages horaires autorisées pour sortir du domicile, et éventuelles permissions de sortie. Si Nicolas Sarkozy bénéficie de remises de peine automatiques comme tout détenu, il reste sous le coup d’un suivi strict. « Les murs du logement deviennent les murs de la prison », explique une JAP. En cas de non-respect des conditions imposées, des sanctions allant jusqu’à l’incarcération peuvent être décidées.
Une affaire lourde de conséquences pour les institutions
L’affaire Bismuth, à l’origine de cette condamnation, remonte à 2013-2014. À l’époque, Nicolas Sarkozy cherchait à récupérer ses agendas saisis par la justice dans le cadre de l’affaire Bettencourt, pour laquelle il avait obtenu un non-lieu. Selon l’accusation, l’ancien président, par l’intermédiaire de son avocat Thierry Herzog, aurait tenté d’obtenir des informations confidentielles auprès de Gilbert Azibert, magistrat à la Cour de cassation, en échange d’un appui pour un poste à Monaco.
Les écoutes téléphoniques entre Sarkozy et Herzog, réalisées sur une ligne enregistrée sous le pseudonyme « Paul Bismuth », ont révélé des conversations qualifiées de « parfaitement explicites » par les juges. La cour d’appel avait souligné la gravité des faits, dénonçant une atteinte directe aux institutions de la République, d’autant plus choquante qu’elle émanait d’un ancien chef de l’État. « Nicolas Sarkozy s’est servi de son statut et de ses relations pour promettre une gratification à un magistrat au service de ses intérêts personnels », avait cinglé l’arrêt.
Des droits civiques suspendus et des recours épuisés
Outre la peine de prison, Nicolas Sarkozy est privé de ses droits civils et civiques pendant trois ans, ce qui inclut son droit de vote. La Cour de cassation a également validé l’utilisation des écoutes téléphoniques comme élément de preuve, estimant que celles-ci respectaient les conditions légales : elles prouvent une participation de l’avocat à une infraction pénale et n’interfèrent pas avec les droits de défense.
Pourtant, cette décision suscite la colère de l’ancien président et de son entourage. Dans un communiqué, Me Patrice Spinosi, son avocat, a dénoncé une atteinte au secret professionnel et aux droits de la défense, en contradiction avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Nicolas Sarkozy annonce d’ailleurs son intention de saisir cette juridiction pour contester cette décision.
Une sanction qui touche aussi ses proches
Thierry Herzog, l’avocat historique de Nicolas Sarkozy, et Gilbert Azibert, le magistrat impliqué, ont également vu leur condamnation confirmée : trois ans de prison dont deux avec sursis et port du bracelet électronique. Pour Herzog, la sanction est encore plus lourde : une interdiction d’exercer pendant trois ans, mettant fin, à 69 ans, à une carrière de renom.
Un agenda judiciaire surchargé
Nicolas Sarkozy devra désormais gérer les contraintes du bracelet tout en faisant face à une actualité judiciaire particulièrement dense. Le 6 janvier 2025, il comparaîtra devant le tribunal correctionnel de Paris dans le cadre du dossier du financement présumé libyen de sa campagne présidentielle de 2007. Il est accusé de recel de détournement de fonds publics, corruption passive, financement illégal de campagne électorale et association de malfaiteurs.
Par ailleurs, il attend toujours la décision de la Cour de cassation sur sa condamnation à un an de prison, dont six mois ferme, dans l’affaire Bygmalion, liée au financement de sa campagne de 2012.
Une fin de carrière politique entachée
Avec cette décision définitive, Nicolas Sarkozy entre dans l’histoire comme le premier ancien président de la République française condamné à une peine ferme. Un coup dur pour celui qui fut autrefois l’une des figures les plus influentes de la droite française, mais qui voit désormais son héritage politique terni par une succession de scandales judiciaires.