Vous le savez, depuis quelques jours, plusieurs personnes se sont plaintes d’avoir été abusées dans les années 1960, 70 et peut-être au-delà, par un prêtre originaire de Grammond, dans la Loire, et qui a exercé son ministère dans les diocèses de Lyon et de Grenoble.
Ce prêtre, Louis Ribes, était connu pour être un artiste, dont certaines de ses œuvres sont dans des églises. Hier soir a eu lieu à Grammond, son village natal, une réunion avec les gens du village et une douzaine de personnes victimes, qui ont témoigné de ce qu’elles avaient subi de la part de ce prêtre.
Comme vous pouvez l’imaginer, tout cela suscite une grande émotion et fait ressurgir chez de nombreuses personnes victimes des blessures parfois enfouies depuis des dizaines d’années mais toujours extrêmement douloureuses.
Je suis personnellement atterré par la perversité de ce prêtre qui a abusé de l’innocence de tant d’enfants, et profondément bouleversé par la souffrance de ses victimes, une souffrance lancinante et toujours présente chez la plupart d’entre elles, même si les faits sont anciens.
Ce que l’on peut noter, en positif, au cœur de ce drame, c’est que de plus en plus de personnes arrivent à parler. C’est ce qu’avait souhaité la Commission Sauvé en lançant son enquête il y a quelques années – à l’initiative, vous vous en souvenez, des évêques de France. C’est aussi ce qu’a favorisé la publication du rapport de la Ciase – de fait nous avons constaté une augmentation depuis début octobre du nombre de personnes désirant témoigner.
C’est aussi ce qu’a permis l’appel à témoins que nous avons lancé il y a quelques jours, et que vous, journalistes, avez relayé. Cet appel à témoins a porté du fruit puisque nous avons reçu depuis plusieurs témoignages. Tout cela nous laisse penser que les victimes du Père Louis Ribes sont, malheureusement, certainement très nombreuses.
Dans ce contexte, le diocèse de Lyon a fait le choix de s’inscrire pleinement dans le cadre des décisions que nous, évêques, avons prises à Lourdes. Je souhaite donc donner la priorité aux personnes victimes et faire en sorte que l’Eglise ne se dérobe pas à ses responsabilités.
Même lorsqu’il s’agit de cas anciens, dont on peut se dire personnellement innocent, nous souhaitons assumer le fait que l’Eglise n’a pas su se démarquer de la culture de l’époque, qui était une culture du silence ou du déni, et où on cherchait avant tout à protéger l’institution. En tant que membres de l’Eglise, nous nous sentons concernés par ce qui s’est passé, et souhaitons porter le poids de la faute de quelques-uns.
Dans ce cadre, l’Eglise a décidé la mise en place d’une Instance indépendante de reconnaissance et de réparation (INIRR) qui pourra recevoir les victimes et étudier, en dialogue avec elles, la meilleure façon de les aider dans leur chemin de reconstruction. Cette instance sera opérationnelle en février. Une lettre d’information sera envoyée aux victimes très prochainement. La mise en place de cette instance n’enlève pas bien sûr la possibilité pour les victimes d’être reçues par des membres du diocèse. Concernant les victimes du Père Ribes qui viennent de se faire connaitre, nous les contacterons très prochainement, si ce n’est déjà fait.
Je sais que la fille d’une des victimes s’est plainte de n’avoir pas été reçue par le diocèse. En réalité, il s’agit de la première personne à nous avoir contacté à propos du Père Ribes. Dans les premiers échanges, elle ne souhaitait pas nous rencontrer, ce qui peut tout-à-fait se comprendre, d’autant plus que les abus avaient eu lieu dans le diocèse de Grenoble. Par la suite, elle a pu rencontrer l’évêque de ce diocèse. Elle a ensuite exprimé le désir de me rencontrer, non pas directement, mais
en s’adressant au diocèse de Grenoble. Je reconnais qu’il y a eu un manque de coordination et un manque de réactivité qui ont fait que cette prise de rendez-vous a trainé ; je lui en demande pardon. Je précise simplement qu’il n’y a là aucune mauvaise intention, et que je la rencontrerai dès que possible, comme je l’ai fait avec d’autres personnes victimes.
Je vous le disais, le père Louis Ribes était artiste et certaines de ses œuvres sont dans des églises ou autres lieux ouverts au public. Certaines personnes victimes nous ont dit que l’exposition publique de ces œuvres était pour elles insupportable. C’est pourquoi nous avons décidé, avec les trois diocèses concernés (Grenoble, Saint-Etienne et Lyon) de retirer des églises les œuvres qui nous appartiennent. La dépose a déjà commencé, en particulier dans le village de Pomeys, où le Père Ribes passait ses vacances. Lorsqu’il s’agit de vitraux d’églises appartenant aux municipalités, il revient aux maires de prendre une décision. Nous sommes en train de les contacter pour les en informer.
La mise en lumière de ces actes criminels nous bouleverse et nous scandalise. Je vois bien qu’au sein de l’Eglise, certains sont meurtris à chaque fois qu’une nouvelle affaire apparait. Je les comprends bien sûr, mais je voudrais leur dire que, même si c’est douloureux, l’Eglise doit garder cette ligne. C’est la prise en compte de la souffrance des victimes qui est prioritaire, et la vérité doit être faite pour purger ce qui doit l’être. Parallèlement nous poursuivons le travail de prévention qui a été fait, et qui doit toujours être renouvelé, afin que l’Eglise soit un lieu sûr pour tous.