Marcus (certains prénoms ont été modifiés), un adolescent de 16 ans, l’admet sans détour : il n’a jamais utilisé de préservatif, que ce soit lors de sa première relation ou durant ses six mois avec son ex-petite amie. « Je sais que ce n’est pas bien, mais j’avais la flemme », confie-t-il, désinvolte, en se tenant devant l’entrée du lycée polyvalent Ronsard à Vendôme, dans le Loir-et-Cher. Pourquoi cette « flemme » ? Marcus explique que c’est « mieux sans » et « plus facile ». Sa petite amie prenait la pilule, ce qui, à ses yeux, réduisait les risques. « Je ferai un test si je constate un problème », ajoute-t-il avec légèreté.
Ce témoignage n’est pas un cas isolé. De Vendôme à Paris, beaucoup d’adolescents interrogés révèlent avoir abandonné, voire jamais adopté, l’usage du préservatif. Une tendance préoccupante, corrélée à la hausse des infections sexuellement transmissibles (IST), à la désinformation croissante, et à l’influence omniprésente du contenu pornographique. C’est dans ce contexte que le CESE, dans son rapport, appelle à une refonte complète de l’éducation sexuelle dans les écoles.
« Moins de 15 % des élèves en bénéficient réellement, et 25 % des établissements scolaires n’ont jamais mis en place ces enseignements malgré leur caractère obligatoire », déplore le CESE. Ces chiffres alarmants illustrent l’insuffisance des quelques cours ponctuels proposés aux élèves. « Les campagnes de prévention qui avaient fait leurs preuves dans les années 2000 sont en net recul », alerte Evanne Jeanne-Rose, co-auteur du rapport qui sera examiné en séance plénière ce mardi.
En mars 2023, trois associations — Sidaction, SOS Homophobie et le Planning familial — ont même intenté un recours contre l’État devant le tribunal administratif, dénonçant l’inaction face à la loi de 2001 sur l’éducation à la sexualité. Mais pour l’heure, les résultats se font attendre. « Cela n’avance pas et c’est frustrant », confie Sarah Durocher, directrice du Planning familial.
Le sida, moins redouté par les jeunes
Par ailleurs, sans ces cours à l’école, qui les informera sur les risques ? « Entre nous, on n’en parle pas vraiment, c’est tabou », reconnaît Octave, 18 ans, cheveux en bataille, vêtu d’un sweat à capuche. Il prévoit de se protéger « le moment venu », contrairement à d’autres jeunes. Le VIH, autrefois une véritable terreur, semble s’estomper dans les esprits. « Le sida fait clairement moins peur aujourd’hui », constate Octave. « La panique est passée. Même s’il n’y a pas de remède, certains pensent qu’on peut le combattre avec des traitements. »
Ce relâchement dans la perception des risques, accentué par l’absence d’une éducation sexuelle complète, met en lumière l’urgence d’agir. La responsabilisation des jeunes face à leur santé sexuelle ne peut attendre davantage.