Ce lundi 31 janvier débute le procès de Nordahl Lelandais devant la cour d’assises de l’Isère à Grenoble. L’ancien maître-chien sera notamment jugé pour le meurtre de Maëlys de Araujo, précédé de l’enlèvement et de la séquestration de la petite fille, disparue en 2017. L’homme de 38 ans sera aussi jugé pour des faits d’agressions sexuelles sur deux de ses petites cousines ainsi que pour l’enregistrement et la détention d’images pédopornographiques. Maître Fabien Rajon, l’avocat de la mère de la fillette, revient longuement sur ces trois semaines de procès qui arrivent.
Tout d’abord, comment vous sentez-vous à quelques jours de l’ouverture de ce procès ?
Déterminé. C’est un dossier que je pense bien maîtriser, notamment parce que je suis le conseil de cette famille depuis les tous premiers temps de l’affaire. J’ai été mandaté dès le mois de septembre 2017. Cette affaire, finalement, c’est quatre ans de ma vie. Le dossier contient 23 000 pages et nous travaillons en équipe au cabinet, pour confronter les points de vue et anticiper l’audience. Je pense que le moment est venu que la justice passe et que nous mettions Nordahl Lelandais devant ses responsabilités et face à ces crimes.
Ces quatre années d’attente étaient trop longues finalement ?
Ces quatre ans correspondent au temps de l’instruction, au travail accompli par les trois juges d’instruction du pôle criminel de Grenoble, mais également par les enquêteurs. Un travail très approfondi et exceptionnel de pugnacité et de méticulosité. Je pense notamment à celui réalisé par les enquêteurs de l’IRCGN (Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie Nationale, NDLR).
Très vite, les enquêteurs ont pris acte qu’il ne fallait pas compter sur Nordahl Lelandais pour résoudre cette affaire. Si aujourd’hui Nordahl Lelandais est renvoyé devant une cour d’assises, si aujourd’hui nous avons pu avancer vers la vérité, certes partielle, c’est grâce au travail des enquêteurs et des juges d’instruction.
De son côté, comment se sent la famille de Maëlys ?
Je pense que la famille est lucide quant au fait que ces assises qui approchent seront terriblement éprouvantes. Ensuite, je les sens impatients que la justice passe.
La famille de Maëlys dit régulièrement qu’elle n’attend rien de Nordahl Lelandais lors de ce procès. Est-ce que c’est difficile à imaginer ?
C’est une réalité. La famille de Maëlys n’attend pas grand-chose de la part de Nordahl Lelandais, pour une raison simple et objective : ses déclarations depuis les premiers temps de cette procédure ont été très fluctuantes, très variantes. En d’autres termes, les avancées vers la vérité, on ne les doit pas à Nordahl Lelandais, loin de là, on les doit au travail des enquêteurs. Au fond, la famille a le sentiment d’avoir été, à juste titre je pense, trompée par Nordahl Lelandais le soir du mariage, comme tous les invités d’ailleurs. Leur crainte, c’est qu’il finisse par tromper à son tour la cour d’assises et les jurés. En vérité, ce que souhaitent mes clients, c’est que la cour d’assises prenne toute la mesure de la dangerosité de cet individu.
Le risque de ces assises n’est-il pas « d’oublier » la petite Maëlys et que le procès se tourne finalement que sur Nordahl Lelandais ?
Dans le cadre d’un procès d’assises, il est prévu par les textes que la personnalité de l’accusé figure parmi les éléments centraux. En d’autres termes, durant ces trois semaines, il est normal d’un point de vue procédural, d’un point de vue légal, de s’intéresser à la personnalité de Nordahl Lelandais et évidemment à la question de sa dangerosité. Un procès d’assises cela consiste en quoi ? A juger des faits et une personnalité. Donc très clairement, le procès sera centré sur l’accusé. Mais nous veillerons à faire en sorte que le souvenir de Maëlys ne soit pas écarté de ces trois semaines d’assises. C’est bien la moindre des choses que nous devons à cette innocente petite fille.
Nordahl Lelandais a déjà été condamné pour le meurtre du caporal Arthur Noyer. Est-ce que cela va influencer dans ce procès ?
L’affaire Noyer constitue un élément objectif de plus qui permet de mieux cerner la personnalité de Nordahl Lelandais. Pourquoi ? Parce qu’il a été jugé et condamné pour ce meurtre par la cour d’assises de la Savoie. Le 31 janvier prochain, quand Nordahl Lelandais se présentera devant la cour d’assises de l’Isère nous pourrons dire, dans le cadre de l’affaire Maëlys, qu’il a déjà tué. A titre personnel et professionnel, ces assises représentent quatre ans de travail pour vous. Ce n’est pas rien… Oui, c’est vrai. Quatre ans c’est à la fois long et très court. J’ai l’impression que c’était hier quand Jennifer De Araujo m’a appelé pour me demander de lui faire l’honneur d’être son avocat. Effectivement, cela a été un long combat. Il y a eu beaucoup de moments très forts sur le plan humain. Mais je crois que le plus décisif est encore devant nous avec ces trois semaines d’assises. Donc je me prépare à un rendez-vous judiciaire de haut-niveau. Je veillerai également à ce que ces assises soient dignes, mais aussi à défendre les intérêts de mes clients avec pugnacité.
Attendez-vous une peine exemplaire ?
Je pense que mes clients ne sont ni dans le pardon, ni dans la haine. Ils espèrent simplement que le verdict de la cour d’assises pourra les replacer dans un horizon d’humanité. C’est l’objectif principal. Pour ce qui est de la peine, en l’état des qualifications qui ont été retenues, Nordahl Lelandais encourt la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté maximale de 22 ans.