
Alors que les Jeux Olympiques de Paris ont mis en lumière ces dispositifs controversés, tour d’horizon de la situation roannaise.
Un outil d’analyse vidéo sous contrôle
Depuis trois ans, Roanne fait partie des quelque 200 communes françaises équipées du logiciel Briefcam, développé en Israël et aujourd’hui propriété du groupe Canon. Dans son centre de protection urbain (CPU), le système analyse les images captées par 49 des 368 caméras déployées sur le territoire communal.
Lucien Murzi, adjoint municipal en charge de la vidéosurveillance et ancien policier, précise que la ville dispose encore de 51 licences non utilisées – 41 pour des caméras fixes et 10 pour des dispositifs mobiles, ces dernières restant inutilisées en raison des restrictions légales actuelles.
Des fonctionnalités puissantes mais limitées
Briefcam permet théoriquement d’analyser rapidement de grandes quantités d’images pour en extraire des éléments spécifiques : vêtements particuliers, comportements, véhicules… Le logiciel intègre même des fonctions de reconnaissance faciale et d’analyse en temps réel – capacités bridées en France, où la CNIL a exprimé des réserves importantes concernant ces technologies.
Selon les responsables municipaux, l’utilisation roannaise se cantonne strictement au cadre légal. « Les agents répondent uniquement à des réquisitions judiciaires précises, limitées dans le temps et l’espace », affirme Lucien Murzi. Le logiciel traite alors les séquences concernées à partir de critères comme le sexe d’un individu recherché, ses caractéristiques physiques ou vestimentaires, ou la couleur d’un véhicule.
Patrice Pépin, directeur de la police municipale, souligne l’intérêt principal du dispositif : « Ce qui prendrait tout un week-end à un agent est réalisé en une heure par le logiciel, qui produit un rapport vidéo. »
Des contestations et clarifications
La question de l’utilisation du logiciel a suscité des interrogations au sein du conseil municipal. Le groupe d’opposition « 88% » a notamment relevé des déclarations contradictoires concernant d’éventuelles « alertes automatiques » et analyses des « flux de circulation » – fonctionnalités normalement interdites en France.
Les responsables municipaux ont depuis clarifié leur position, réaffirmant leur respect du cadre légal et invitant les élus d’opposition à visiter le CPU pour constater les conditions d’utilisation du système.
Un cadre juridique encore en construction
Si aucun recours n’a été déposé contre l’usage de Briefcam à Roanne, plusieurs décisions de justice récentes pourraient faire jurisprudence. En janvier dernier, le tribunal administratif de Grenoble a ordonné à la ville de Moirans de cesser d’utiliser ce type de logiciel pour des infractions mineures, comme les dépôts sauvages d’ordures.
À Roanne, les images sont conservées pendant 20 jours – la loi autorisant jusqu’à 30 jours – et le procureur de la République a confirmé que l’utilisation du logiciel se fait uniquement sur réquisition judiciaire, tout en précisant que ces réquisitions peuvent concerner « tout type de délit ».
Alors que l’expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique autorisée pendant les JO s’achève, le débat sur l’équilibre entre efficacité policière et respect des libertés individuelles reste plus que jamais d’actualité.