Le promoteur Inovy, propriétaire des lieux pour quatre décennies, pointait du doigt des carences professionnelles manifestes de la part de Biltoki, allant jusqu’à des impayés de loyers massifs de la part des commerçants.
Ce naufrage stéphanois n’était pas isolé : le concept basque peine également à Angers et Rouen, où les gestionnaires revoient leur copie faute de clientèle suffisante. À Talence, Biltoki a récemment cédé l’exploitation à une foncière, actant son incapacité à pérenniser le modèle.
La Commune débarque avec ses recettes lyonnaises
Dès janvier prochain, les Halles Mazerat amorcent leur renaissance sous l’égide de La Commune, incubateur culinaire lyonnais créé en 2018. Ce projet est co-fondé et co-détenu par le groupe national Chevrillon et trois entrepreneurs : Damien Beaufils, Déborah Hirigoyen et Damien Doublet.
Jeudi 9 octobre, Matthieu Bertapelle, directeur général, présentait à la presse les contours de ce concept qui entend tourner la page Biltoki. La Commune se définit avant tout comme un tremplin pour chefs émergents. Ce food court festif et convivial permet aux porteurs de projets de tester leur concept en conditions réelles, sans supporter les risques financiers d’une installation classique.
Huit restaurateurs investiront les échoppes : quatre intégreront l’incubateur (débutants sans établissement préalable), quatre autres seront des cuisiniers expérimentés, certains ayant déjà officié dans les halles. L’objectif affiché : atteindre 100% d’échoppes occupées par des incubés d’ici 24 mois, avec une montée en puissance progressive.
Un processus de sélection exigeant
L’appel à projets touche à sa fin avec une dernière place disponible côté incubateur. Les critères d’admission sont stricts : aucune expérience préalable en restauration et détention de la certification HACCP (hygiène alimentaire).
L’équipement de base (four, réfrigérateur, plaques, logiciel de caisse) est fourni par La Commune à l’identique pour tous, garantissant l’équité entre candidats. Les équipements spécifiques restent à la charge du chef. Pour assurer une offre cohérente et accessible, les plats sont plafonnés à 13 euros.
Le modèle économique de l’accompagnement
En contrepartie de cet accompagnement, les incubés reversent entre 32% et 34% de leur chiffre d’affaires mensuel (hors personnel et charges). Ils doivent également justifier d’au moins 50% d’approvisionnement local. D’ailleurs, côté bar, La Commune s’est associée aux Cafés Chapuis et Souchon, ancrant territorialement le projet.
Chaque mois, des bilans permettent d’identifier les axes d’amélioration. Sans loyer fixe, avec communication calibrée et passage garanti, les risques d’échec diminuent drastiquement. L’incubation dure en moyenne un an avant que les chefs ne s’émancipent, toujours accompagnés pour structurer leur offre et approcher les banques.
Tirer les leçons des erreurs passées
Les dirigeants ont méthodiquement analysé les causes de l’échec Biltoki en consultant anciens commerçants et articles de presse. Plusieurs corrections majeures en découlent : horaires élargis, panneaux d’insonorisation, et triplement des places assises passant de 300 (dont 150 en extérieur) à 800, dont 350 sur les terrasses. La jauge pourra atteindre 1 500 personnes lors d’événements spéciaux.
Un bar central de 70 mètres carrés à 360 degrés constituera le cœur battant des halles, renforçant la convivialité du lieu. Le positionnement tarifaire accessible entre également dans cette stratégie corrective.
L’acquisition stratégique du Dame D4
Pour compléter son offre, La Commune a racheté le café adjacent, la Dame D4, qui changera prochainement de nom pour accueillir la programmation événementielle.
Marie Vincent, responsable culturelle, prévoit trois à quatre événements hebdomadaires : concerts, DJ sets, spectacles, marchés créateurs, danse, fanfare, drag shows…
La privatisation totale ou partielle des espaces sera possible, avec une offre modulable adaptée aux demandes.
Un investissement conséquent pour la réussite
Entre l’acquisition du café et les travaux de réaménagement supervisés par l’architecte stéphanois Christian Jacquemet, La Commune investit 1,2 million d’euros, dont 700 000 euros de travaux. Le réemploi de matériaux permet de limiter les coûts.
À Lyon, avec 1 000 visiteurs quotidiens, le chiffre d’affaires atteignait 5,6 millions d’euros en 2024. L’ambition stéphanoise est équivalente. Le site emploiera 35 personnes en cuisine et une trentaine en salle.
Rendez-vous en janvier pour le verdict
Reste à savoir si ce nouveau concept saura conquérir durablement les Stéphanois, échaudés par l’échec retentissant de Biltoki. Les ingrédients semblent réunis : analyse des erreurs passées, positionnement clair, prix maîtrisés, programmation culturelle ambitieuse, et ancrage local affirmé.
La mayonnaise prendra-t-elle cette fois ? Réponse dans quelques mois, lorsque les premières échoppes ouvriront leurs fourneaux aux affamés du centre-ville.

