Après X et Pearl, Ti West clôt avec MaXXXine une trilogie horrifique inégale, pensée avant tout pour son actrice, Mia Goth. Six ans après les événements du premier volet (le massacre d’une équipe de tournage pornographique par un couple de rednecks dégénérés), Maxine Minx, l’unique rescapée, est devenue une star de l’industrie pour adultes. Bien décidée à se faire aussi un nom dans le cinéma mainstream, elle obtient le rôle principal d’un film d’horreur à petit budget, La Puritaine 2, tandis qu’un tueur en série sataniste, le « Night Stalker », terrorise Los Angeles. Laissant de côté le Texas des précédents épisodes, le réalisateur filme la Cité des Anges comme un décor séparé entre l’usine à rêves d’Hollywood et les bas-fonds crapoteux où Maxine exerce comme stripteaseuse. L’idée est au cœur du générique d’ouverture, au cours duquel l’héroïne transite en voiture entre un studio où elle vient de passer un casting et l’arrière-salle d’un club dans lequel se tourne un film X. Son trajet est par ailleurs ponctué d’archives et de spots télévisés reflétant la psychose collective de l’époque reaganienne, alors en plein regain de puritanisme – Hollywood y est dépeint comme une invention diabolique pour étendre l’empire du Mal sur la société américaine. S’apparentant à un vaste tissu d’images (des devantures de cinéma aux publicités gigantesques), Los Angeles prend alors l’apparence d’une scène où se déploie un spectacle permanent du stupre.
Qu’elles soient comédiennes réputées ou actrices pornos, les starlettes assassinées dans MaXXXine sont de petites fiancées de l’Amérique arrachées à leurs foyers conservateurs. C’est finalement moins la dimension « méta » (surtout sensible dans X) qui constitue le fondement de la trilogie que cette opposition continuellement renouvelée entre le désir sexuel et le puritanisme. Mais là où X livrait une relecture critique de la libération sexuelle (cf. la réification des corps féminins par l’œil de la caméra), MaXXXine s’avère malheureusement beaucoup moins pertinent à l’égard de l’esthétique des années 1980. À la manière d’un épisode de Stranger Things, name dropping et clins d’œil deviennent l’unique moyen de faire référence à l’histoire du cinéma, tandis que le film se perd dans la multiplication de ses sous-intrigues, illustrant une somme de thèmes déjà traités par David Lynch, Paul Thomas Anderson ou David Robert Mitchell : la dévoration des actrices par l’industrie, la paranoïa ambiante, le crépuscule des luttes libertaires à l’heure du capitalisme sauvage…
Comme dans Pearl, déjà en deçà du premier volet, seule Mia Goth donne au film la liberté à laquelle il aspire. L’actrice développe un jeu tout en ruptures de ton, à l’image de la scène d’ouverture : lors d’une audition, Maxine déclame un monologue où son personnage dévoile ses envies de meurtres, et qui rappelle nettement le discours en plan fixe à la fin du deuxième film de la trilogie. Sauf que cette fois, Goth interrompt son lamento sans crier gare, de manière à souligner toute l’artificialité de cette interprétation. Dans ce film surtout occupé à multiplier les révérences cinéphiles (Psychose, le giallo, De Palma), le jeu de la comédienne apporte une forme d’étrangeté dans sa manière d’incarner une détermination sans faille à réussir, jusque dans le finale lyrique du film, où résonne le mantra de Maxine : « I will not accept a life I did not deserve. » À une exception près, l’héroïne ne fera jamais preuve d’empathie à l’égard de ses consœurs assassinées par le « Night Stalker », n’hésitant pas elle-même à commettre les pires atrocités contre ceux qui entravent sa route vers le succès. Ni symbole de résilience, ni figure d’empowerment, Maxine est monstrueuse telle un demi-dieu de la mythologie – elle s’abandonne pleinement à sa volonté de puissance. En ce sens, elle est l’incarnation de la citation d’ouverture du film, attribuée à Bette Davis : « In this industry, until you’re known as a monster you’re not a star ».
Soirée Ti West au Méliès Jean-Jaurès :
19h00 : X
21h00 : PEARL
23h00 : MAXXXINE
Pass 3 films : 10€