Quarante-huit heures après ce drame, la colère et la tristesse dominent chez les cheminots, qui se disent « ulcérés » par la polémique qui a suivi la mort de leur collègue.
La CGT a rapidement alerté sur le fait qu’« rien ne permet de dire pour l’heure qu’il s’agit d’un suicide ». Stéphane Colin, secrétaire adjoint du syndicat CGT des cheminots à Saint-Étienne, a affirmé que la communication autour de cet événement tragique avait été « hâtive ». « Pour le moment, rien ne permet d’affirmer qu’il s’agit d’un suicide. Des enquêtes sont en cours, dont une judiciaire », a-t-il déclaré. Il a ajouté que les caméras des gares d’Arras et de Paris, où Bruno Rejony a fait escale, ont été saisies pour aider à l’enquête.
Colin a critiqué les propos du ministre des Transports, Philippe Tabarot, qui avait initialement déclaré que la situation aurait pu être plus grave si le conducteur avait voulu faire dérailler son train. Ce dernier a depuis précisé que ses déclarations avaient été mal interprétées, suggérant que le geste de Bruno était plutôt lié à des problèmes personnels qu’à des soucis professionnels.
L’homme est né à Roanne
Né à Roanne, Bruno Rejony, père de deux enfants, dont un atteint de troubles autistiques, était décrit par ses collègues comme un « pacifiste » et un conducteur expérimenté. « C’était le plus grand des pacifistes. Il n’aurait jamais mis qui que ce soit en danger. Il détestait la violence », a souligné Colin.
La dimension symbolique du drame est renforcée par le fait qu’il s’est produit pendant le service de Bruno, un aspect qui suscite des réflexions sur la solitude ressentie par les mécaniciens SNCF. « Le problème des mécaniciens SNCF, c’est la solitude. Ces agents passent parfois 8 heures sans parler à personne, ce qui peut engendrer des risques psychosociaux », a rappelé le syndicaliste.
En réponse aux accusations selon lesquelles Bruno aurait mis en danger des voyageurs, un autre cheminot a déclaré : « Il savait très bien que le train s’arrêterait sans mettre personne en danger. »
La disparition de Bruno Rejony a généré de nombreuses réactions dans le département. La centrale syndicale CGT a exprimé ses condoléances à la famille et aux proches, promettant de répondre aux « attaques scandaleuses contre la corporation cheminote ». D’autres figures politiques, comme la sénatrice Cécile Cukierman et le député PS Pierrick Courbon, ont également rendu hommage à Bruno, soulignant son engagement pour le service public ferroviaire et sa détermination à défendre les droits des cheminots.
Sur les réseaux sociaux, de nombreux agents de la SNCF ont affiché le logo de l’entreprise en noir, un geste de deuil après cet événement tragique, qui constitue une première en France pour la profession.
Un autre collègue de Bruno a témoigné de l’impact émotionnel de cette perte en évoquant « l’intervention la plus étrange » qu’il ait jamais réalisée. En partageant une photo de la cabine d’où Bruno aurait sauté, il a exprimé sa tristesse en déclarant : « Une brave machine, mais remplie de tristesse. »