Privés d’exploits sportifs et de la passion des stades par la pandémie de Covid-19, les commentateurs sportifs entretiennent la flamme, en Grande-Bretagne comme aux Etats-Unis, en diffusant sur les réseaux sociaux des scènes du quotidien, magnifiées par leurs commentaires aussi exaltés que décalés.
« Alors qu’on entre dans la dernière minute et c’est Olive qui a la possession, mais c’est dans ces moments là que Mabel est la plus forte, quand elle doit refaire son retard, quand elle se sert de cette intensité… ».
Andrew Cotter a couvert les Jeux Olympiques ou Wimbledon pour la BBC. Mais dans cette vidéo postée sur son compte Twitter et vue plus de 18 millions de fois, c’est avec ses deux labradors, engagés dans une lutte silencieuse et presque immobile pour la possession d’un grand os en caoutchouc, qu’il captive l’audience.
Quelques jours plus tôt, dans une première vidéo avec pour seul commentaire « je m’ennuyais», il avait fait vivre avec emphase la course à celle qui finirait son bol de croquettes la première entre Olive et Mabel.
« Olive, concentrée, déterminée, se régalant, il ne reste plus rien que le bol à lécher. Deux grandes rivales, mais deux amies aussi, voyez comme elles échangent leur bol à la fin », avait-il narré à plus de 10 millions de spectateurs partagés entre attendrissement et hilarité.
Some sports are slower. More about the strategy. pic.twitter.com/JMBaGJ1tSd
— Andrew Cotter (@MrAndrewCotter) April 9, 2020
Le «Giro di Tooting»
« Cela montre juste à quel point le sport et ce qu’on appelle « la vie normale » nous manquent. On tenait tout cela pour acquis, c’est seulement maintenant qu’on le réalise », a expliqué le commentateur qui a bien compris que la popularité de ses chiens a largement dépassé celle de son podcast sur le golf.
Son confrère freelance Nick Heath, intervenant régulier sur la BBC ou Sky, a pris le parti de faire de son quartier de Tooting, dans le sud de Londres, son nouveau terrain d’exploration.
Son compte Twitter est devenu une sorte de journal où la compétition, le suspense et la soif de victoires se cachent dans le moindre détail du quotidien.
Des piétons s’élancent quand le feu passe au vert et « La Ruée pour traverser la rue 2020 » est lancée et remportée par une femme en leggings. Un cycliste qui peine dans une rue en pente participe – sans le savoir – au «Giro di Tooting» et même un escargot avançant péniblement sur le trottoir est engagé dans une « série du 1.500 millimètres ».
Nick Heath est le premier surpris par le succès de ses saynètes – affublée du mot-clé #LifeCommentary (#LaVieCommentée) – où le décalage entre la banalité des images et le ton emphatique de ses commentaires, souvent humoristiques, font merveille.
« C’est devenu bien plus populaire que je ne m’y attendais. Je m’amusais juste à commenter avec la voix que j’utilisais pour certains sketches que j’écrivais il y a quelques années de cela », a-t-il expliqué à l’AFP.
Canine Cruiserweight#LifeCommentary #LiveCommentary pic.twitter.com/9tiOfLAJNp
— Nick Heath (@nickheathsport) May 1, 2020
Un barbecue comme un Superbowl
« Je voyais mon personnage comme quelqu’un qui arriverait à rendre deux mouches sur un mur intéressantes », a-t-il poursuivi. Et fort de ses 129.000 abonnés, il a largement réussi son pari.
De l’autre côté de l’Atlantique, Joe Buck, un commentateur de Fox Sports, a décidé aussi de mettre sa verve au service de ses abonnés pour les distraire un peu de la morosité ambiante.
Sur de petites vidéos envoyées par ses 269.000 abonnés, il appose ses commentaires aussi enjoués et pointus que s’il s’agissait de la victoire de Kansas City au Superbowl – la finale du championnat de football américain – qu’il commentait quelques semaines plus tôt.
Sur l’une de ses vidéos les plus populaires, un certain Andrew, qui fait griller des ailes de poulet au barbecue, connaît sa minute et dix-neuf secondes de célébrité warholienne.
« Regardez-moi ça ! Il va en rechercher, il en veut plus, (les ailes de poulet) continuent de sortir du saladier. Mais combien peux-tu nous en donner, Andrew ? Incroyable ! », s’enthousiasme Joe Buck.
« Je ne savais pas si ça prendrait. Mais voilà où nous en sommes. Je pense qu’il y a un vrai appétit des gens pour ce genre de choses », a-t-il expliqué au Washington Post.