La promesse d’une monde meilleur
Les premières scènes situent parfaitement le film : elles montrent un animateur d’une radio pirate en 1980 diffusant à fort volume « Decades », la chanson testament du groupe Joy Division et rendant un hommage très émouvant au chanteur du groupe, Ian Curtis, qui venait alors de se suicider. Dans la scène précédente, tounée en noir et blanc, à l’épaule, comme un film super8 amateur, avec une image floue, les clients d’un bar-tabac provincial exultent bruyamment à l’annonce de l’élection de François Mitterand en direct à la télévision.
Deux frères incarnant chacun d’eux un monde différent
La dualité du film, incarnée par deux frères, apparaît progressivement en filigrane : d’un côté, une France rurale encore marquée par mai 68, représentée par Jérôme (Joseph Olivennes), et de l’autre, Philippe (Thimotée Robart), incarnant le « monde d’après » avec la ville et sa modernité. Mais ce monde n’offrait pas d’avenir véritable à la jeunesse (en raison du chômage de masse naissant) ; une jeunesse qui étouffait en province (d’où les plans des personnages souvent serrés) et avait trouvé dans la musique un exutoire.
Une parfaite reconstitution de l’époque
C’est avec un brin de nostalgie que nous savourons les décors vraiment réalistes de l’époque : la manivelle de la voiture pour descendre la vitre, le téléphone à pièces dans le bar-tabac, les fleurs sur les tapisseries, l’enseigne du salon de coiffure, le jaune ou le bleu de l’éclairage, le grain de l’image, le phrasé des dialogues et bien entendu l’impressionnante bande originale punk et newave.
Pépite du mois des Ambassadeurs du Méliès
« Les Magnétiques » parvient à nous parler « d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître » mais pour lequel les jeunes d’aujourd’hui sont bizarrement attirés à la fois pour le côté « kitch » de la mode, pour le tout analogique d’alors, mais aussi pour cette liberté dont ils pensent, à juste titre, être dépossédés. Ceci explique certainement pourquoi les Ambassadeurs du Méliès (ces lycéens de Saint-Étienne qui voient les dernières sorties en salle) ont élu ce film « Pépite du mois ».
Un film d’apprentisage
Il est vrai que ce film a atterri dans les salles un peu comme une comète car il est aussi un film d’apprentissage. En effet, le personnage principal est en réalité le jeune frère, Philippe. C’est un candide qui découvre l’amitié mais également l’amour, l’armée mais aussi les endroits branchés de Berlin, la vie en collectivité ainsi que la solitude et surtout son talent pour élaborer de la musique électroacoustique proche de celle de Steve Reich et des membres du Groupe de recherches musicales (GRM).
Un film enthousiasmant
Ce premier long métrage de Vincent Maël Cardona est, vous l’avez compris, de grande qualité. Il a d’ailleurs remporté le prix SACD de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. De plus, Il est enthousiasmant. Je vous le conseille donc vivement. A voir au Méliès Jean-Jaurès.
Par Richard Clermont