
« Je ne dormais pas : j’essayais de finir l’épisode de ma série. J’ai fait un bond quand j’ai entendu une explosion, suivie d’une sirène stridente. Au début, j’ai pensé que c’était une voiture qui se faisait vandaliser dans la rue. Puis j’ai senti l’odeur, et j’ai vu que ça venait de la structure d’Enedis… J’ai immédiatement appelé les pompiers. » Des poches sous les yeux, Brice n’a pas dormi de la nuit. Le quadragénaire vit dans le complexe d’habitation voisin du poste source à haute tension d’Enedis qui a pris feu dans la nuit de mardi à mercredi, rue de Saint-Étienne.
Des habitations trop proches : la douloureuse prise de conscience
Le bâtiment est flambant neuf, et les habitants sont là depuis quatre ou cinq ans maximum. Ils y sont bien, c’est calme et spacieux. Jusqu’à présent, ils n’avaient pas vraiment conscience de ce que ça pouvait impliquer de vivre à côté de ce genre d’infrastructure. Et pourtant : évacués en pleine nuit, ils venaient à peine de pouvoir rentrer chez eux à midi, après avoir pu vérifier que la fumée qui avait envahi leurs logements n’était pas toxique.
Entre odeurs et inquiétudes : les résidents sous tension
« Je sais que la nuit prochaine, je ne dormirai pas tranquille. Je serai inquiète que ça recommence. Là, je dois partir travailler et mon mari ne rentre que ce soir. Je n’ai pas envie de laisser mes deux enfants de 14 et 10 ans seuls tant qu’on n’est pas sûrs que ça ne sera pas complètement réglé, mais je n’ai pas le choix… », confie Marie, une autre voisine.
Brice renchérit : « D’autant plus qu’on a encore l’odeur d’électronique brûlée dans nos appartements. » Point positif : pas d’autres dégâts. Les réfrigérateurs et congélateurs ont été coupés mais la nourriture n’est pas bonne à jeter. Seul le sommeil est à rattraper.
Les pompiers face au défi du cuivre en flammes
« Le problème, avec ces réseaux, c’est qu’ils sont répartis et étendus de façon assez étrange. Dans une même rue, certains peuvent être dans le noir et d’autres non. Le seul point positif de cet incendie, c’est qu’il n’a touché ni hôpitaux, ni Ehpad ou autres », confie le commandant des sapeurs-pompiers, David Labrosse.
« L’odeur et la fumée étaient épouvantables quand on est arrivés, et les choses se sont aggravées aux alentours de 6 heures du matin. Le problème, c’est que comme tout est en cuivre, ça brûle très vite. Tout est conducteur, ça rend nos opérations compliquées et risquées », poursuit le soldat du feu.
Leclerc dans le noir : le grand désarroi des acheteurs
Mais si, du côté des particuliers et des services de soins, on a évité la catastrophe, c’est le branle-bas de combat du côté du supermarché Leclerc, qui n’a plus d’électricité. L’Arena non plus, alors qu’elle doit recevoir le match du SCABB contre Fos-sur-mer pour les huitièmes de finale des play-off…
La zone commerciale se transforme en circuit de karting : les voitures rentrent sur le parking et en ressortent aussitôt. L’hypermarché est portes closes et rideaux baissés, avec un petit mot écrit à la main collé sur les portes automatiques de l’entrée, expliquant la situation.
Questions en cascade et théories improvisées
La plupart des clients habitués découvrent qu’ils devront repousser leurs courses hebdomadaires. « Mais qu’est-ce qu’il se passe ? » « C’est un attentat, vous pensez ? » « Un incendie ? Criminel ? » « Comment ça, fermé ? Mais, on n’est pas le 8 mai ! » « Mais si ça n’a pas brûlé ici, pourquoi est-ce qu’ils n’ont plus de courant ? » « Et toute la viande dans les chambres froides, quel gâchis… »
Les équipes d’Enedis en renfort : une mobilisation exceptionnelle
Au même moment, un camion Enedis avec un groupe électrogène recharge l’alimentation de celui du supermarché. Ils viennent de Valence, et comme de nombreux autres, ils ont été déployés sur le secteur pour effectuer les recharges le temps que le système soit rétabli.
Quand les clients les alpaguent pour leur demander combien de temps cela va durer et s’ils peuvent revenir dans l’après-midi, ils ne peuvent pas donner de réponse. « Ce genre d’incident arrive très rarement. Ça peut durer un moment. » Alors les clients repartent, cabas à la main. « Heureusement, j’ai fait le plein de courses samedi, je revenais juste pour voir les promotions de la semaine… »
Vers un retour progressif à la normale
Bien qu’une centaine de foyers étaient encore privés d’électricité en début d’après-midi, et qu’une dizaine de groupes électrogènes d’Enedis étaient déployés un peu partout dans la ville, la préfecture de la Loire assurait d’un retour à la normale avant la fin de la journée.
Dans un communiqué de presse, le maire, Axel Dugua, a partagé son émotion et assuré que « la Ville reste pleinement mobilisée pour accompagner les habitants et garantir leur sécurité ».
*Prénoms Changé.