
Nicolas Goldberg, expert au cabinet Colombus Consulting, dresse un constat alarmant : « Les prix connaissent une forte hausse, avec des niveaux inédits depuis deux ans. Ils se rapprochent aujourd’hui des 60 euros par mégawattheure, soit trois fois le prix auquel il s’échangeait il y a encore deux ans. »
Cette situation s’explique par une conjonction de facteurs défavorables. L’hiver particulièrement rigoureux a entraîné une consommation accrue. Parallèlement, un épisode de faible vent fin 2024 a réduit la production des parcs éoliens, notamment en Allemagne du Nord, obligeant à compenser par des énergies fossiles. Conséquence directe : « Les stocks sont déjà à moitié vides en Europe, et même bientôt aux trois quarts en France », précise Nicolas Goldberg, alors que l’hiver n’est pas terminé.
La fin du transit russe et la double peine pour les consommateurs
Le 1er janvier a marqué un tournant significatif avec la fermeture du gazoduc ukrainien. Malgré l’invasion de l’Ukraine et l’embargo européen, du gaz russe continuait de transiter par ce pays. L’expiration de ce contrat, non renouvelé en raison du conflit, contraint désormais les pays européens à se tourner vers d’autres sources d’approvisionnement, notamment le GNL (gaz naturel liquéfié), considérablement plus onéreux.
Pour François Coudurier, retraité de 76 ans à Cormeilles-en-Parisis, cette situation constitue « une double peine ». « Quand les prix étaient relativement bas, jusqu’à la fin de l’année dernière, l’État, et avec lui les fournisseurs, en ont profité pour augmenter certaines taxes », déplore-t-il en montrant ses factures où la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (Ticgn) a bondi de 32%. Son abonnement à l’offre Passerelle d’Engie est également passé de 215 euros en 2023 à près de 250 euros l’année suivante.
« Et là, maintenant, je vois que le kilowattheure de gaz repart à la hausse », s’indigne le septuagénaire. « En novembre 2024, il était encore à 7,3 centimes d’euros. Ce mois-ci, il a déjà atteint les 7,5 cts/euros. » Face à cette situation, le couple a adopté des mesures d’économie drastiques, limitant le chauffage à 18°C maximum.
Des perspectives peu encourageantes
Les experts s’accordent sur des prévisions peu réjouissantes. « Nous sommes a minima sur un plateau haut qui risque de se maintenir », estime Thierry Bros, professeur à Sciences Po. Le spécialiste souligne que le gaz restera nécessaire comme énergie de transition « pendant un bon moment, avant de pouvoir commencer à compenser sérieusement avec du nucléaire ou du renouvelable ».
Il pointe également du doigt les politiques de subventions européennes, comme les boucliers tarifaires, qui auraient un effet pervers sur les prix : « En 2023, c’était l’équivalent de 10 dollars par baril de pétrole, ou encore 30 euros par MWh de gaz. Ça fait forcément monter les prix, pour le plus grand bonheur des traders. »
Cette tendance à la hausse n’est pas limitée à l’Europe continentale. Au Royaume-Uni, le régulateur du secteur (Ofgem) a déjà annoncé une augmentation de 6,4% des factures dès avril prochain.
Nicolas Goldberg ajoute que l’avenir s’annonce encore plus difficile avec l’arrivée de nouvelles réglementations : « À partir de 2026, l’obligation pour les fournisseurs d’incorporer une part de gaz vert dans leurs offres aura, là aussi, un coût qui ne manquera pas d’être répercuté sur les consommateurs. Puis l’année suivante, la taxe carbone instaurée par l’Europe en rajoutera une couche. »
Pour les ménages déjà fragilisés par l’inflation, cette nouvelle flambée des prix de l’énergie risque d’accentuer davantage la précarité énergétique dans les mois et années à venir.